Les editos du père Gregoire Bellut

En entrant dans l’Avent, pour une nouvelle année liturgique, il nous faut cheminer vers la révélation pascale en accueillant le Sauveur dès sa naissance. Noel est une fête pascale par anticipation. Et en continuant notre parcours sur les réalités du Ciel, il nous faut vivre le changement du regard, pour entrer dans cette dynamique de l’émerveillement avec un cœur pur pour contempler Dieu.

Or, la difficulté à regarder son frère avec bienveillance vient du péché et de la concupiscence du regard. C’est-à-dire, dans son for intérieur, s’apprêter à laisser ses instincts grégaires dans son propre besoin d’assouvissement sans maitrise de soi, ni une volonté clairement exercée dans l’obéissance de la foi. En quelques mots, une ignorance de notre vocation d’image de Dieu pour développer une pulsion animale dans une désagrégation de tout notre être. La convoitise du regard va de pair avec l’expression d’un désir intérieur qui se manifeste dans l’imagination, et qui ne demande qu’à passer à l’acte si nous ne mettons pas les garde-fous nécessaires. D’ailleurs les maladies psychiques sont en général, un franchissement des garde-fous pour tomber dans le pathologique, que ce soit la bipolarité, la schizophrénie, ou encore la paranoïa… (sans prétendre donner une liste exhaustive). Un profond clivage de notre manière d’être qui a des répercussions désastreuses sur notre âme et sur notre corps, aggravant un mal-être profond. Le regard enferme, c’est vrai, mais parfois il tue dans une dislocation de l’autre provoquant une déflagration dans l’équilibre psychique. Le harcèlement scolaire dont nous parlons tant, commence par une concupiscence du regard, dans un mépris de l’autre et une volonté d’humilier pour le plaisir d’asseoir son propre pouvoir ou sa domination dans le clan. Il nous faut lutter, par le jeûne et la prière, contre le désir désordonné qui aboutit à un regard d’exclusion et de suffisance de soi-même. La dignité humaine se vit concrètement pour nous, à travers la capacité à voir en l’autre un frère à aimer et à accompagner pour une meilleure vie dans la recherche du bien commun et d’une vie bonne en Dieu. Nous avons des gestes forts à poser pour témoigner de notre foi et refuser l’écroulement du lien fraternel Notre vie spirituelle se concrétise par des actes prophétiques et porte du fruit même dans le martyr, car nous travaillons pour le Royaume des cieux. Mettre Dieu en dehors de notre vie et de notre société nous conduira inexorablement dans un monde sauvage, sans âme mais avec un appétit féroce pour dévorer l’autre. Les tyrannies se sont bâties sur la concupiscence du regard et une vision tronquée de l’humanité. Seuls la méditation des Ecritures et l’accompagnement spirituel nous aident à progresser pour une plus grande fécondité dans l’appel baptismal à la sainteté et à la construction de la civilisation de l’amour. La vie du citoyen du Ciel est d’être artisan de paix dans l’annonce de l’évangile et le témoignage de vie pour une communion fraternelle toujours plus forte dans le souffle de l’Esprit. Une réunification intérieure passe par l’éducation du regard à la compassion pour être dans un juste rapport. « Heureux ceux qui pleurent ils seront consolés ». Le partage d’une humanité vulnérable par l’incarnation du Christ nous montre le chemin de la réalité humaine de la vie, et la vérité de l’amour qui s’expérimente vraiment. Il faut pleurer pour comprendre la joie de la consolation.

La concupiscence du regard fait partie des affres du péché originel, énuméré dans la lettre de saint Jean. Il faut avoir un regard de compassion dans la relation fraternelle et vouloir la communion pour bâtir un dialogue fécond. Refuser le péché nous ouvre à la fraternité d’éternité. Mais le regard peut être enfermant, d’ailleurs le Christ, dans le contexte du désir de la chair, le définit comme « l’adultère du cœur », c’est-à-dire voir l’autre comme objet. « Tout homme qui regarde une femme avec convoitise a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur. » Avant l’acte, le regard pousse à la faute, lorsqu’il est mal orienté. L’histoire de Saül nous montre le péché du regard qui entraine la mort de l’âme dans la brisure du lien fraternel. « Saül regardait David avec méfiance. Le lendemain, un mauvais esprit envoyé par Dieu s’empara de Saül qui fut saisi de transe prophétique au milieu de la maison. David jouait de son instrument comme chaque jour, et Saül avait sa lance à la main. Saül la lança en se disant : « Je vais clouer David au mur ! » Mais par deux fois David échappa à Saül. » Le changement de regard sur celui qui avait gagné contre Goliath entraver une pensée libre de rencontre, pour la jalousie du rang et la soif du pouvoir. Cela est aussi vrai dans nos communautés lorsque nous marchons ensemble, répondant à l’appel de l’Esprit, puis nous sommes comme happés par une rivalité maladive, souvent dans des regards envieux et inadaptés, oubliant que nous sommes d’abord au service du Christ et pour la construction de l’Eglise avant de faire notre petit commerce personnel. La personne au regard désaxé oublie de savoir si elle vit pour la communion. Les tensions fraternelles sont souvent dues à un manque de simplicité dans les rapports des uns avec les autres et une volonté de partage, qui est certes un chemin de résurrection mais connait aussi des croix et des renoncements.

 

Si nous reprenons, la convoitise du regard est le premier pas de la convoitise de la chair dans ce contexte précis. Comme le précise d’ailleurs saint Jean Paul II « L’adultère commis « dans le cœur » n’est pas inscrit dans les limites de la relation interpersonnelle qui permet d’identifier l’adultère commis « dans le corps ». Ce ne sont pas exclusivement et essentiellement ces limites qui décident de l’adultère commis « dans le cœur », mais la nature même de la concupiscence, exprimée dans ce cas-ci par le regard, c’est-à-dire par le fait que l’homme, que le Christ cite à titre d’exemple, « regarde pour désirer ». L’errance du regard est cette chosification de la relation pour ne voir en l’autre qu’un garde-manger pour nos propres désirs. La dimension du regard dans l’appel à la sainteté exige la maitrise de soi et la volonté de suivre le Christ. Le point faible est signifié par l’appétit sexuel, comme nous le rappelle justement l’évangile, mais nous ne pouvons pas arrêter la concupiscence du regard seulement sur l’aspect libidineux. De plus, si nous avons vu l’aspect du morcellement intérieur, il nous faut regarder aussi la nécessaire justice dans l’échange avec le prochain.

 

Le rapport à l’argent et à sa finalité doit être aussi entrevu sous l’aspect de la vertu de justice et d’un discernement prudentiel quant aux moyens nécessaires. La vertu de justice impose que nous ayons un juste rapport à l’aspect financier et que nous ne fassions pas de l’argent une fin. Rien ne sert de courir le meilleur salaire ou de demander à Dieu la fortune, car l’amour n’a pas de prix. Nous sommes invités dans la simplicité de notre vie à rechercher ce qui nous est nécessaire, et non à vivre dans la superficialité. « J’ai des difficultés avec l’enseignement sur la « prospérité » qui dit que si nous suivons le Seigneur nous serons en sécurité et dans l’aisance matérielle. C’est en complète contradiction avec les Ecritures et aussi avec ce que nous expérimentons en Chine. Suivre Dieu est un appel non seulement à vivre pour Lui, mais aussi à mourir pour Lui » Le témoignage de ceux qui vivent la joie de croire dans un pays de persécution nous invite à retrouver de la prudence face à ce que nous recherchons comme essentiel et à séparer la bénédiction de Dieu de l’aisance financière. La bénédiction de Dieu ne tient pas à la grandeur du poste, ni à l’évolution de la position sociale, ni même aux longues années. Carlo Acutis, comme Thérèse de l’enfant Jésus nous montre que dans une vie courte, la richesse de la relation à Dieu comble toutes les attentes. La joie du témoignage, par la disponibilité du cœur à l’instant présent, démontre une simplicité de vie, pas après pas, juste pour aujourd’hui. Chacun doit vivre un chemin unique de complémentarité de la grâce, et non pas être une pale photocopie de la grâce entachée de l’esprit de ce monde et des dévoiements proposés. De fait, Dieu nous demande d’être saint, et non d’être riche. L’un ne s’oppose pas à l’autre, mais la vraie prière est une vie ancrée en Dieu et dans l’accueil de sa grâce pour témoigner de sa foi. Ensuite le Seigneur utilisera ce qui nous est le plus favorable pour déployer notre vocation personnelle d’enfant de Dieu pour la liberté de l’amour.

Père Gregoire BELLUT – Curé – Doyen

Le rapport à l’argent, entre autre, est un vrai questionnement, mais soyons vigilant, ce qui brille n’est qu’illusion. On pourrait par vanité avoir le meilleur téléphone portable, au coût d’un ordinateur plaqué or, mais pour quelle utilité ? La futilité de la mode nous montre bien qu’il faut discerner ce qui est nécessaire et refuser ce qui est insignifiant comme les honneurs ou la recherche d’un pouvoir éphémère lorsqu’il n’est pas fondé en Dieu. Nous pouvons prendre plaisir à paraitre, dans la superficialité du moment, mais il nous faut bien prendre conscience que nous aurons besoin de retrouver du sens par rapport à ce que nous sommes, et l’épreuve nous met face à l’urgence des réalités et à nos priorités. «Vanité des vanités disait Qohèleth. Vanité des vanités, tout est vanité ! » 1 La sagesse nous pousse à percevoir l’essentiel.

Si nous y regardons de près, certains chrétiens irakiens dans leurs témoignages disaient vivre de manière dilettante face à la guerre qui s’approchait, la guerre est pour les autres mais n’arrivera pas ici, lors de la prise de Mossoul, ils nous disent qu’ils ont, pris conscience d’un choix à poser et d’une réaffirmation de la foi à vivre pour retrouver le chemin de la communauté ecclésiale et de la prière. Dans nos sociétés occidentales, l’éparpillement des valeurs dans la superficialité de la mode et des idéologies en tout genre nous éloignent inexorablement de notre vocation d’image de Dieu appelé à la ressemblance. C’est le constat d’autres Eglises non européenne, qui voient la perte de transcendance pour le cynisme de l’apparence et ce qui est utile. « En occident de nombreux chrétiens ont une abondance de biens matériels, mais ils vivent dans un état de tiédeur. Ils ont de l’argent et de l’or, mais ils ne se lèvent pas pour marcher au nom de Jésus. » 2 Le tourisme spirituel de certaines personnes interroge : on passe de paroisse en paroisse sans être fidèle à une communauté, on change d’Église en Église, dans un vagabondage de la foi. On émigre d’une église capable de commémorer les défunts à un culte incapable de vivre la communion des saints. Et n’oublions pas l’invention de spiritualités ancestrales revues et corrigées dans une marchandisation culturelle abjecte 3 . La fluidité spirituelle, dans une recherche de foi correspondant à nos vies, sonne comme un refus de conversion et de transformation intérieure à opérer dans le Christ Jésus. C’est une vaine course idolâtrique d’une spiritualité adaptée à nos valeurs et, dans une contextualisation à outrance, on en oublie la radicalité de la Parole. Il y a bien une vanité idéologique dans le relativisme des situations pour distordre le sens profond des Ecritures et l’appel à la conversion. La propre glorification du changement, pour penser et agir autrement appelé paradigme, est un refus de l’appel des Écritures à aller au large et interroge fortement aujourd’hui. La foi se vit dans la tradition apostolique et l’accomplissement de l’esprit de la loi, et non un affranchissement de la parole à cause d’une culture particulière qui se veut ouverte et universelle mais se révèle si vaine. Quant à nous, l’appel à retrouver le chemin qui mène vers Dieu nous invite à fuir les suffisances de cette vie qui passe, pour nous enraciner dans ce qui est essentiel : le Christ notre Seigneur. « Que rien ne te trouble, que rien ne t’épouvante, tout passe, Dieu ne change pas,…Dieu seul suffit. » 4 La vérité de notre foi se fonde sur les Ecritures, et trouve dans nos actes le témoignage de la confiance en Dieu et la volonté de continuer l’œuvre de Dieu, chacun selon ses propres talents. Il s’agit alors de se recentrer. Quelle est la personne la plus importante dans ta vie, demandait-on dans un jeu que des adultes faisaient pendant la fête du nouvel an. La femme allait répondre « mon mari et mon mariage dans l’année » mais, un enfant répondit avant elle « ça c’est facile, la personne la plus importante c’est Dieu ». Parfois, les petits nous remettent dans une bonne échelle de foi et nous font revoir notre hiérarchie des valeurs dans une spontanéité, signe du Royaume à venir. Nous devons retenir cette facilité du choix, comme le dit le sage : « tout est vanité, hors aimer Dieu et le servir lui seul » 5 Se rendre disponible à la grâce demande alors de laisser toute forme d’orgueil pour accueillir la promesse du Salut et se conformer à la Parole de vie, source de tout bien.

1 Ecl 1,2
2 P 273 Citoyen du Ciel, Brother Yun EdB 2023
3 La spiritualité est américaine – Jean Marie Gueullette Cerf 2021

La précarité de la vie nous éclaire sur nos propres vulnérabilités et les choix cruciaux qu’il nous faut faire parfois entre des réalités fondamentales, par exemple la vie et l’absurdité de la mort, parfois la maladie, ou encore ce qui importe dans la hiérarchie des valeurs et la réalité des ruptures familiales. Tout cela remet en perspective notre véritable désir dans une soif de l’action de Dieu et un engagement à le servir. L’apparence des situations que nous avons pu connaitre, non sans satisfaction à ces moments précis, devient d’une vanité sans fond. La mort nous rappelle à l’essentiel : qu’est-ce que je fais de ma vie pour servir Dieu en toute chose ? « Vanité donc, d’amasser des richesses périssables et d’espérer en elles. Vanité, d’aspirer aux honneurs et de s’élever à ce qu’il y a de plus haut. Vanité, de suivre les désirs de la chair et de rechercher ce dont il faudra bientôt être rigoureusement puni. Vanité, de souhaiter une longue vie et de ne pas se soucier de bien vivre. Vanité, de ne penser qu’à la vie présente et de ne pas prévoir ce qui la suivra. Vanité, de s’attacher à ce qui passe si vite et de ne pas se hâter vers la joie qui ne finit point. » 6 Dans un monde en turbulence, des propositions aussi absurdes les unes que les autres, comme le choix de la beauté dans un musée des horreurs, entre la déliquescence bioéthique et le positionnement de l’accueil de la vie dès sa conception et l’accompagnement de la fin de vie, l’errance de la corporéité à travers la théorie du genre et l’idéologie perverse du féminisme, sans oublier de pointer les formes de violence sociétale. Un inventaire non exhaustif d’une gangrène de l’expression de surpuissance, parfois dans la satisfaction de sa propre performance technique et scientifique, nous font errer dans le désert de l’être, abandonnant les plaines de la liberté créatrice et féconde. Nous, disciples kérygmatiques, sommes appelés à redire la Bonne Nouvelle du Salut, en refusant toute forme de satisfaction dans le paraitre et redire que l’homme est image de Dieu, bénédiction de Dieu pour toute la création lorsqu’il est en communion avec son Créateur. On peut avoir en Eglise des opinions politiques différentes, des approches théologiques dissemblables, des façons de prier manifestement décalées, chaque messe du dimanche nous rassemble dans la communion des croyants, pour témoigner en artisan de paix ce qui fait notre attachement au Christ et à sa Parole, par une communion en communauté kérygmatique capable de se parler dans la diversité des personnalités et de témoigner de la vie de l’Esprit.

4 Thérèse d’Avila – œuvres complètes - Poème
5 L I, 24&7 imitation de Jésus Christ
6 L I, 1,&2 imitation de Jésus Christ

La place du premier serviteur de la communauté paroissiale doit être rappelée avec force. Le prêtre est un serviteur de la civilisation de l’amour, témoin d’une présence en lui, fruit de l’Alliance et de la fécondité. Il vit dans la gratuité de la relation, toujours attentif à l’autre et non centré sur lui-même, attentif au cri du monde et à l’approfondissement du dialogue avec Dieu. Il répond à l’appel dans la
disponibilité de son être en faisant confiance à la Parole et au souffle de l’Esprit « Qu’il me soit fait selon ta volonté ». Il n’est ni dans une course médiatique, ni dans un marchandage émotionnel mais dans l’accomplissement de la croix pour rayonner de la grande espérance de la résurrection. Ni collabo de l’esprit de ce monde, ni déserteur du beau combat de la foi, ni super héros, ni déterminé par sa vulnérabilité, il est enfant de Dieu, enfant de Roi. Il entre dans le temps de Dieu et participe à la communauté pour la rendre plus fraternelle, plus juste dans la vérité des Ecritures. Ce qui fonde le ministère est la rencontre du Christ, la réponse à son appel et la volonté de lui être fidèle par amour pour le servir jusqu’au bout. Tout le reste est vanité. –

Le vrai défi pour chacun d’entre nous est d’aimer en vérité, et non dans une course vaniteuse de performance spirituelle : à celui qui fait le plus de convertis, se met le plus au service de la charité, quand cela ne passe pas par l’évaluation de la qualité de prière et de son efficacité ! Oui la glossolalie, comme la manipulation hystérique des masses n’est pas signe de sainteté. La vanité se glisse dans toute chose si nous ne sommes pas vigilants en développant la vertu de prudence pour discerner ce que nous devons vivre et comment rendre témoignage de la présence de l’Esprit Saint en nous. La louange est une porte d’entrée dans l’accomplissement de notre vie spirituelle. Une expérience de décentrement de soi-même pour nous refonder en Dieu seul. « Car la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu : si elle fut assujettie à la vanité, … à cause de celui qui l’y a soumise, c’est avec l’espérance d’être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu. » 7 La vocation de citoyen du Ciel, et nous le sommes, par les sacrements de l’initiation 8 , nous demande de fonder notre grande espérance du Salut sur l’humilité du cœur pour accueillir notre Seigneur. La liberté se vit en présence du Seigneur et dans la joie de sa grâce, pour agir en fonction de la volonté de Dieu et dans la ferme intention de lui rester fidèle. Tourné vers les fins dernières, nous désirons Dieu de tout notre cœur et de toute notre âme, dans une charité inventive pour vivre la communion en toute circonstance. Car c’est avec Dieu que la notion de liberté prend sens dans la recherche du meilleur bien, c’est-à-dire d’une communion d’amour pour l’éternité.

7 Rm 8
8 Baptême (et la grâce agissante), confirmation et eucharistie

Père Gregoire BELLUT – Curé –Doyen

La joie est l’expression de l’Esprit Saint dans notre vie. Ce don de la grâce arrive avec la paix pour nous amener à gouter des fruits de sa présence en nous et à porter un témoignage que nous partageons autour de nous. En tant que disciples du Christ et dans l’accueil de sa présence, la joie authentifie notre transformation intérieure et nous envoie vers les autres comme missionnaires de la miséricorde du Seigneur et de sa bonté pour chacun. Nous parlons d’une joie contagieuse, ni grave ni fébrile, mais d’une intériorité qui se témoigne avec audace par la profusion des manifestations dans la juste distance. Elle n’est pas introvertie ni excentrique, mais l’expression même de la reconnaissance d’une relation vraie par l’amour du Rédempteur dans le souffle de l’Esprit. Une bonne saveur de Dieu par le gout de la contemplation de son œuvre « Gloire au Seigneur à tout jamais ! Que Dieu se réjouisse en ses œuvres ! » 1 Elle est une expression de tout notre être devant la Toute Puissance de Dieu dans la beauté de son amour et la vérité de ses œuvres, nous poussant à rechercher ce qui est bien dans la gratuité de la rencontre.

Dieu fait notre joie et nous répondons en écho à sa révélation en vivant cette allégresse. Telle est la définition de la joie spirituelle avec les pieds sur terre. L’évangile de saint Luc que nous allons lire dans la prochaine année liturgique est plein de joie, parce que le Dieu de l’Alliance, dans la fidélité de sa présence, nous procure un ajustement d’être, une cohérence d’histoire, une unification personnelle et une communion fraternelle dans la joie de ceux qui le cherchent. « … réjouissez-vous de ce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux » 2 La communion des saints, que nous fêtons de façon particulière le 1 er novembre, est communion de joie et nous devons la découvrir, non avec des critères entachés du
péché originel, mais avec la grande espérance du Salut et la révélation du dynamisme de l’amour dans toute la Création. Tel est le chemin des béatitudes que nous poursuivons dans l’espérance, lors du jour des défunts, à travers le prolongement d’une prière de communion pour les vivants et pour les morts. Parler de joie dans la célébration des défunts, est bien autre chose que la frivolité du temps qui passe, ou
l’exubérance de sentiments souvent décalés. La joie durant la célébration des défunts est « une joie espérante » 3 . En toute circonstance vivre la joie de Dieu, c’est s’ouvrir dans la réalité du temps présent à sa présence agissante, lui qui est la source de la vie, le chemin du bonheur, la vérité de notre histoire. « Ce qui procure de la joie, c’est le triomphe de la vie et l’effacement de la mort, c’est la mobilisation des forces vitales et l’oubli de la finitude, mais ce n’est plus l’acceptation sereine de la vie et de la mort, du bonheur et de la peine. La réalité que l’homme approuve avec joie est donc une vie désertée par la mort, une vie qui a refoulé la mort » 4 La vie en Dieu est profusion d’amour reçu par révélation, vécu dans la méditation des Ecritures et de la promesse d’Alliance, à partager dans la joie communicative. Le fait qu’il vienne nous sauver et nous libérer de nos esclavages, pour nous faire connaitre l’amour pour l’éternité, n’est-il pas la source de toutes nos joies ? Nous savons que le Seigneur est présent en toute occasion et nous avons confiance en sa parole, pour le jour de notre mort, et sa promesse de la vie éternelle. Telle est notre joie et la paix intérieure qu’elle infuse en nous pour accéder à la promesse du Salut.

1 Ps 104, 31
2 Lc 10,20
3 Article de Laurent Lavaud, communion XXIX,4 juillet – aout 2004 la joie espérante p 15-29

Nous allons en Eglise ouvrir le Jubilé 5 et peut être pouvons-nous méditer l’appel de saint Paul VI dans son encyclique sur la joie de l’année sainte 1975 « Notre invitation appelle essentiellement, vous le savez, au renouvellement intérieur et à la réconciliation dans le Christ. Il y va du salut des hommes, il y va de leur bonheur plénier. Au moment où, dans tout l’univers, les croyants s’apprêtent à célébrer la venue de l’Esprit Saint, nous vous invitons à implorer de lui ce don de la joie. » 6 Nous comprenons bien que la joie est d’abord un retournement intérieur pour laisser le Seigneur nous transformer et nous modeler à son image selon sa ressemblance, mais par grâce de l’Esprit Saint, faire de nous des témoins crédibles de sa grâce, et accueillir la communion avec Dieu avec reconnaissance. Si le pape actuel lance un appel à retrouver la grande espérance du Salut et à en vivre, c’est pour continuer
l’œuvre de l’amour dans la joie de la rencontre. « Mais chacun, en réalité, a besoin de retrouver la joie de vivre car l’être humain, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu 7 , ne peut se contenter de survivre ou de vivoter, de se conformer au présent en se laissant satisfaire de réalités uniquement matérielles » 8 La dimension spirituelle de l’homme redonne sens à ce qu’il doit vivre, à ce qu’il doit faire, à ce qu’il est vraiment aimé de Dieu, et appelé à témoigner de cet amour autour de Lui dans la fidélité à la Parole, la gratuité de sa présence et le service fraternel auprès de tous. La joie de tous les saints est joie de l’Eglise et notre joie, en tant que fidèles du Christ. Orientée vers l’espérance, l’année jubilaire nous fait redécouvrir cette joie de la rencontre avec Dieu et nos frères, dans une nouvelle dimension du temps et une césure de vie nécessaire à un réaménagement de l’espace des rencontres et des conversions à vivre.

A travers les joies de nos vies, nous pouvons retrouver la promesse d’Alliance et le bonheur de reconnaitre le Seigneur pour accueillir sa Bonne Nouvelle. C’est la dimension des disciples d’Emmaüs : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » 9 Tout joyeux, libérés de toute peur, dans une vie nouvelle ils retournent à Jérusalem témoigner de la rencontre. . Habiter à nouveau notre foi, c’est sortir des torpeurs familiales et culturelles et de la tiède acédie, pour laisser l’Esprit Saint agir dans nos vies et nous rendre disponibles à sa grâce. Certes nous pouvons connaitre des difficultés, mais Dieu est toujours présent. Comme le rappelle si bien l’introduction de la constitution pastorale « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. » 10 Or si nous communions aux réalités humaines, dans l’histoire de chacun la grâce nous ouvre à d’autres dimensions, où la joie est celle de la communion avec Dieu, et connait un autre essor, sans pourtant être étrangère à notre réalité adamique. Une différenciation entre les choses de la terre et celles du ciel, en termes de sentiment, lorsqu’on parle d’amour, de paix, de joie, n’est pas correcte lorsqu’on les oppose ou que l’on transforme les définitions en des incompatibilités. La joie que nous éprouvons sur terre dans la communion avec Dieu est un avant-gout de ce que nous connaitrons au ciel, d’une manière complète et extraordinaire, mais certainement pas étrangère…. L’altérité est pour la complémentarité. Que nous soyons des personnes différentes, c’est pour une communion d’amour plus dynamique dans l’échange et l’usage des charismes spécifiques de chacun. La communion des saints est une page d’histoire pour nous édifier aujourd’hui sur l’appel à actualiser son témoignage de foi dans la société à laquelle nous appartenons et dans le temps qui est le nôtre. Le souffle de l’Esprit nous conduit à diffuser la Bonne Nouvelle.

4 Ibid p 21
5 Les années jubilaires, d’abord tous les 50 ans puis tous les 25 ans, sont l’expression d’une action de grâce pour Dieu et d’une
sanctification du peuple de Dieu dans un esprit de louange et de témoignage de foi.
6 Gaudete Domino – Paul VI
7 cf. Gn 1, 26
&9 Spes non confundit – Pape François

L’invitation à la joie est d’abord celle de la rencontre, où l’ange Gabriel dit à Marie « Réjouis-toi » 11 et où Marie répond par un tressaillement « de joie en Dieu mon sauveur » 12 Une rencontre avec le Seigneur promis aux bergers comme « une grande joie » 13 parce que le Salut est une aventure personnelle à partager avec tous dans une démarche d’invitation à suivre le chemin qui conduit vers le Père. Le Christ, Verbe fait chair, découvre la joie du Royaume pour ceux qui ont entendu la Parole de
Dieu 14 et la mettent en pratique. « La Parole de Dieu écoutée et célébrée, surtout dans l’eucharistie, alimente et fortifie intérieurement les chrétiens et les rend capables d’un authentique témoignage évangélique dans la vie quotidienne. » 15 Dieu agit dans notre vie et tressaille de joie 16 sous l’action de l’Esprit Saint lorsqu’il voit l’homme agir en conformité à sa vocation, pour la louange du Père et l’imitation du Fils. L’homme entre dans la joie de Dieu lorsqu’il se manifeste dans son histoire 17 .

9 Lc 24,32
10 &1 Gaudium et Spes – Vatican II
11 Lc 1,14 avec la nuance que le mot joie est l’interpellation en grec du mot bonjour en français, ou salut en latin et paix (shalom) en
hébreu
12 Lc 1,14
13 Lc 2,10
14 Lc 8,13
15 &174 Evangelii Gaudium - François
16 Lc 10,21

Vivre notre foi demande de laisser Dieu habiter notre histoire, et donc le rendre participant à nos décisions, notamment dans la prière, l’accompagnement spirituel et le discernement des Écritures. L’écoute de la Parole et agir en responsabilité donnent une vraie joie de vivre l’instant présent. C’est pourquoi nous devons sans cesse nous convertir et transformer notre vie en présence du Seigneur pour nous laisser habiter par sa grâce 18 . La résurrection donne l’avant-gout d’une joie sans fin, à travers la rencontre du Christ vivant 19 . Il faut que nous sachions redécouvrir la joie de la présence de Dieu dans notre vie et que nous la cultivions pour la laisser grandir dans le souffle de l’Esprit Saint et porter témoignage. « Nous sommes tous appelés à offrir aux autres le témoignage explicite de l’amour salvifique du Seigneur, qui, bien au-delà de nos imperfections, nous donne sa proximité, sa Parole, sa force, et donne sens à notre vie. » 20

Père Gregoire BELLUT – Curé – Doyen

Comme nous le rappelle le pape François par les prières du pharisien et du publicain 1 , l’enjeu est justement de cultiver l’humilité du cœur et de fuir toute forme de hiérarchie de vie spirituelle. « Le pharisien se glorifie, sûr de lui, convaincu qu’il est parfait : debout, il commence à ne parler au Seigneur que de lui-même, à se louer, à énumérer toutes les bonnes œuvres religieuses qu’il accomplit, et il méprise les autres : « Je ne suis pas comme celui-là… » Parce que c’est de l’orgueil spirituel — …nous risquons tous de tomber dans cela —. Il te porte à te croire bon et à juger les autres. C’est de l’orgueil spirituel : «Je suis bon, je suis meilleur que les autres: celui-ci a une chose, celui-là une autre…». Et ainsi, sans t’en apercevoir, tu adores ton moi et tu effaces ton Dieu. C’est tourner autour de soi. C’est une prière sans humilité. » 2 On peut lire en ces lignes le processus exact enclenché par le diviseur : celui de se démarquer de Dieu et du service de l’amour pour son propre compte, en oubliant, hélas, que nous ne sommes que des créatures, dans la fragilité qui est la nôtre, anges ou hommes. Le pharisien se juge un grand spirituel parce qu’il remplit ses devoirs extérieurs, quant au publicain, il connait sa situation, et il implore le pardon attirant la compassion du Très Haut dans cette humilité du cœur. L’enjeu fraternel est d’oublier notre communion d’amour car nous avons un même Père, et l’impératif de vivre en paix pour exercer la louange dans toutes ses dimensions. Hélas certains veulent se faire mousser, et rabaisser l’autre, dans cette odieuse suffisance en détournant la grâce à une utilité de service. « Il y a des gens qui jettent le trouble parmi vous et qui veulent changer l’Evangile du Christ » 3 L’instrumentalisation de l’Evangile à des fins personnelles afin de nous détourner de la radicalité de la parole d’amour est pure folie, et Saint Paul nous le rappelle, que de tels gens soient anathèmes ! Mais nous dans cette vocation d’enfant de lumière, nous sommes déjà par anticipation citoyen du ciel lorsque nous vivons la grâce sous le souffle de l’Esprit. L’humilité devient alors le signe de notre amour sincère pour Dieu et pour le prochain dans l’attention sans cesse renouvelée de chanter les louanges du Seigneur. L’Evangile du Christ est Bonne Nouvelle pour chacun, un chemin de croissance dans la vérité de nos actes et une vie pour l’éternité auprès de Dieu lorsque nous répondons à son appel.

Alors nous illuminons notre quotidien de sa présence, en discernant les signes, et en l’appelant auprès de nous. En effet, dans la complémentarité avec le Créateur nous formons sens. Sans Lui, tout est néant. Le combat spirituel trouve donc, disons-le une bonne fois, sa pointe la plus aiguë dans l’orgueil spirituel, et commence par l’avalanche des concupiscences que nous laissons et qui envahissent le quotidien. « Certaines choses nous inclinent à aimer le monde, d’autres à le mépriser. Le désir de la chair, le désir des yeux et l’orgueil de la vie inspirent l’amour du monde; mais les peines et les misères qui les suivent justement produisent la haine et le dégoût du monde. » 4 Le principe même de l’orgueil dans la volonté de lumière et d’éclat dans le monde pousse à la désespérance et le dégout de soi et des autres. Les concupiscences, et l’incapacité de maitrise de soi entraine à une grave chute d’estime, et d’être, que ce soit connu ou pas d’ailleurs. C’est la désespérance des actes qui nous poussent à nous dégouter de nous-mêmes, et à essayer de trouver des refuges aliénant, que ce soit par le suicide de Juda en ayant trahi Jésus, l’indifférence au monde et la froideur de la relation dans une forme de cynisme à vomir, ou le refuge dans la superficialité du moment sans responsabilité sur le lendemain dans une vaine course à l’accaparement du vide pour l’illusion de l’utile. Certains vies peuvent être sidérantes du vide intérieur et de la pauvreté de l’âme qui sont les leurs, jusqu’à crier, souvent, leur souffrance-même dans l’addiction. L’argent n’empêche pas le désespoir, la gloire sans relation authentique entraîne la solitude ; quant aux relations de séductions et de dominations, elles se révèlent, l’âge venant, la platitude d’une course sans raison. Or c’est le Christ et lui seul qui nous conduit sur la vraie vie, celle d’un don de Dieu qui se reçoit, qui s’approprie et se partage. Une vie pleine de sens en Dieu dans un courant de grâce ou l’émerveillement dans la simplicité des relations poussent à la vérité de la rencontre.

1 Lc 18,9-14
2 Angélus du 23 octobre 2022 – Pape François
3 Ga1,7

L’orgueil spirituel, sachons-le, touchait déjà les premiers chrétiens. « Les uns proclament le Christ en esprit de jalousie et de rivalité ; d’autres le font avec une intention bienveillante. Ceux-ci annoncent le Christ par amour, sachant que je suis ici pour défendre l’Évangile ; ceux-là le font en intrigants, sans intention pure, pensant aviver ainsi l’épreuve de mes chaînes. » 5 Le dévoiement de sa foi pour arriver à ses fins est un problème majeur, parce que le témoignage empêche aux autres d’approcher, et de gouter au banquet du Royaume. Tout ce qui ne nous unit pas est un contre-témoignage, et la division est lieu d’exclusion. Chacun n’est pas libre de penser ce qu’il veut, lorsque cela engage la fraternité et notre témoignage de foi. Recherchons donc, en artisans de paix, ce qui peut nous rassembler et fortifier notre unité. Il y a une forme d’intelligence relationnelle à retrouver dans notre vie baptismale, et vie ecclésiale, pour accueillir l’urgence de la promesse du salut par le service de l’amour que nous déploierons. Point de fuite, ou de changement de crémerie, mais une ferme volonté d’être fidèle à la foi de l’Eglise et dans l’humble attitude du serviteur disponible en toute occasion à rendre témoignage dans la liberté de l’amour. L’expérience du Christ dans le souffle de l’Esprit est notre passage de la mer rouge, et le fil conducteur de notre foi pour avancer avec confiance, et répondre à l’appel du Christ pour lui faire place dans notre aujourd’hui.

L’humilité est la voie par excellence de l’accueil de la grâce et de la fécondité de la
présence de Dieu en nous. « Gardez-vous surtout de la vaine complaisance et de l’orgueil. C’est ainsi que plusieurs s’égarent et tombent dans un aveuglement presque incurable. Que la chute de ces superbes qui présumaient follement d’eux-mêmes vous soit une leçon continuelle de vigilance et d’humilité. » 6 L’orgueil, lorsqu’il corrompt notre relation à Dieu, nous entraine rapidement dans un enfermement sectaire. Ce n’est pas seulement la nuque raide, mais tout le corps qui est contaminé par le péché, et les bonnes œuvres sont alors gaspillées par la pourriture du péché. Oui nous devons être attentifs dans notre vie à ne pas instrumentaliser la Parole de Dieu, ni l’expédier vers un contexte précis qui ne nous concerne pas. Par exemple, parler de Parole de Dieu, comme parole de compassion pour entrer dans la révélation du Dieu Un et Trine, ne doit pas empêcher d’annoncer une parole de rupture et de compassion dans les changements de vie à opérer. L’égarement étant de mélanger compassion et rupture pour s’accommoder de la volonté de Dieu, qui devient de facto volonté de l’homme à Dieu, péché d’idolâtrie par excellence. Toutes les Écritures nous font entrer dans un chant d’amour de Dieu pour Son peuple et une hymne d’alliance, à renouveler sans cesse par l’obéissance de la foi, jusqu’à l’incarnation du Christ, la nouvelle Alliance éternelle pour le Salut de l’homme. La création de l’homme dans la liberté de l’amour n’est pas un marché de dupe, mais une réalité à redécouvrir dans l’exercice de nos responsabilités, chacun selon les talents reçus.

4 L,III, 20;4 Imitation de Jésus Christ
5 Ph 1,15-17
6 L,III, 6;5 Imitation de Jésus Christ

Dans l’Église, vivre la communauté dans une instrumentalisation du pouvoir c’est vivre dans une logique d’orgueil spirituel : mes paroissiens, mon curé, ma paroisse, mon banc, ma chaise, mon service… Lorsque l’esprit de possession a mis l’emprise sur le service, alors nous sommes dans la domination de la relation, au nom même de Dieu, l’instrumentalisant selon nos propres désirs, ce qui est le pis que nous puissions faire, et faire en Son nom.. À un moment donné cela devient gros comme une maison, mais soyons en surs, cela commence toujours par des petits riens en croissance pour l’appétit d’ogre et qui sans la vigilance des frères et un discernement prudentiel, peuvent manger la relation dans une autorité in-ajustée. Même dans l’évangélisation au service des frères nous pouvons nous fourvoyer. « Le ministère était devenu une idole. Travailler pour Dieu avait pris le pas sur aimer Dieu… je continuais de lire la Bible quotidiennement. Cependant je faisais cela par obligation et par habitude, et non avec un cœur ouvert découlant de ma relation avec Jésus » 7 Nous pouvons retrouver cette vocation devenue idole dans nos communautés notamment par la disponibilité de notre précieux temps. Agir dans notre présence en service commandé interroge (je fais le strict minimum et dans mon intérêt au service de mes propres actions). Je suis là, certes, mais dans l’absence de l’amour gratuit de Dieu et du prochain et il y a une manière de compter son temps sa présence, oubliant par la même notre vocation fraternelle, dans la gratuité du temps passé ensemble pour louer le Seigneur. Un accaparement des tâches, et de ce qui est utile au lieu de nous laisser conduire par l’intelligence des Ecritures sur une vocation propre à notre appel.

Nous ne sommes pas loin d’une contrainte portée par le regard des autres et de nous- mêmes. Être là juste pour faire acte de présence ou en délégation pour justifier notre identité d’êtres spirituels. C’est une tromperie que de venir en visiteur sans transformation intérieure. Faire le minimum syndical dans une étroitesse de la fraternité conduit à un dessèchement de la vie ecclésiale. Refuser de changer son jour de repos, ses loisirs quotidiens, les réunions vampiriques de famille et d’amis en dehors de la réalité ecclésiale, ou plus simplement de se laisser déranger au nom d’un principe totalitariste de son propre « temps personnel à moi et à personne d’autre » est naufrage de la relation gratuite de l’amour et de la disponibilité de tout notre être à la réalité du temps présent. « Le Seigneur Dieu nous désire jalousement pour lui-même. Il est l’amant de nos âmes. Si jamais nous plaçons quoi que ce soit avant notre relation avec Jésus – y compris notre travail pour Lui – alors nous serons piégés » 8 L’orgueil spirituel est justement ce piège de notre positionnement au nom de Dieu. À l’écoute de l’Esprit Saint, nous pourrons facilement faire les choix de vie, et puiser à la source la fécondité de la vie et ce qui nous fait grandir.

 7 P 183 Citoyen du ciel

Père Gregoire BELLUT – Curé – Doyen

L’abandon de la promesse de création a été fait par l’Adversaire. Le Diable a refusé, malgré son rang d’ange de lumière, la volonté de Dieu et dans une position d’orgueil spirituel, s’est coupé de Lui, On parlera alors d’orgueil spirituel comme la plus grave forme d’orgueil, puisqu’elle touche même à la transcendance, à notre relation à Dieu et à nous même en tant qu’image de Dieu. L’orgueil de Satan rode autour de nous comme un mal faisant des ravages. Retirez-lui toute spiritualité et l’homme devient une bête immonde. Tels sont les idéologies nauséabondes du siècle dernier (que nous subissons toujours), mettant Dieu au ban de la société et promouvant des sociétés inhumaines et mortifères. « L’assurance des méchants naît, au contraire, de l’orgueil et de la présomption, et finit par l’aveuglement. » 1 La rupture consommée entre le Diable et Dieu, devient pour le Malin une situation d’enfermement et de souffrance, car exempte de tout amour du seul et unique Créateur, Dieu Un et Trine.

En oubliant notre vocation d’être, personne humaine, à la louange de la création, nous nous désorientons vers d’autres désirs qui nous poussent à assouvir nos pulsions sans régulation, dans un défraiement de la liberté et un dévoiement de la grâce. C’est bien là, l’orgueil spirituel ; marchander sa relation à Dieu pour soi ou pour les autres, dans une recherche d’utilité sans saisir la gratuité de l’amour et l’esprit de service pour le bien de tous. Cela va en résonnance avec la rupture diabolique de l’ange de lumière. Et les arguments sont presque les mêmes, « il faut bien que je m’occupe de moi-même » ! Errance humaine ô combien dommageable ! Lorsque cela ne tombe pas dans une recherche du miraculeux, et une forme d’ésotérisme dans toute sa folie. Comme l’auteur fait parler le Christ dans le fameux livre du XIV 2 siècle « ‘Il y en a qui ne marchent pas devant moi avec un cœur sincère; mais guidés par une certaine curiosité présomptueuse, ils veulent découvrir mes secrets et pénétrer les profondeurs de Dieu, tandis qu’ils négligent de s’occuper d’eux-mêmes et de leur salut. Ceux-là tombent souvent, à cause de leur orgueil et de leur curiosité, en de grandes fautes, parce que je m’oppose à eux.» La curiosité présomptueuse, pousse à la recherche vaine d’une quelconque science sans conscience. Vouloir découvrir les secrets de Dieu pour mettre la main dessus, et se révéler initié afin de rompre la fraternité, dans une position de maître. Oublier l’amour est pure folie. C’est ainsi que l’orgueil spirituel est un naufrage par la curiosité malsaine, et une voie sans issue dans la connaissance de Dieu, pire, un chemin qui nous mène vers l’enfer. Alors vient la superstition et le vagabondage de la foi dans une volonté de surnaturel, avec un manque de discernement et de sagesse.

Comprenons le bien ! Une recherche du mal, et la volonté de nuire se développent dans le refus d’amour et de communion. Avec les anges, il y a eu une première rupture de la rencontre, un refus de dialogue dans le service, pour une possession d’un entre-soi (comme nous le dit la tradition). Avec cohérence, nous pouvons suggérer que le Diable est devenu une non-personne 3 . Dans cette logique on pourrait dire que l’orgueil nous déshumanise et nous clive profondément dans une absence de lien fraternel. Cela nous disperse dans le travail et nous isole dans les prises de position, entrainant inexorablement une solitude grandissante jusqu’à une chute abyssale du piédestal. A nous croire comme Dieu nous agissons comme des diables.

1 L, I, 20&7 Imitation de Jésus Christ
2 ou XVème la datation est difficile, et l’auteur inconnu

On peut continuer la réflexion en définissant deux facettes de l’orgueil, l’égoïsme et l’indépendance 4 . La caisse de résonnance dans la vie spirituelle nous autorise à classer beaucoup de chutes à travers les deux grilles de lecture. Soit on devient une forme de gourou, soit on s’isole dans une forme d’indépendance ecclésiale. L’appréciation de l’orgueil vient de cette errance de l’homme face à Dieu « J’escaladerai les cieux ; plus haut que les étoiles de Dieu, j’élèverai mon trône ; j’irai siéger à la montagne de l’assemblée des dieux au plus haut du mont Safone, J’escaladerai les hauteurs les hauteurs des nuages, je serai semblable au Très-Haut ! Mais te voilà jeté aux enfers, au plus profond de l’abime » » 5 l’orgueil nous jette dans le néant de la mort sans pouvoir nous en sortir. Refuser Dieu, c’est ne pas être. Le refus de la gratuité de l’amour et du don, dans le soupçon, est mortifère. Au contraire, l’acte de foi et de confiance en l’amour malgré toutes les circonstances apporte une fécondité dans la relation et l’accueil de toutes les réalités dans les vulnérabilités qui sont nôtres. La personne humble sait qu’elle doit tout attendre de Dieu et continue de faire confiance en toute circonstance.

L’opposition de Satan à Dieu est, pour la destruction de la Création, le refus de contempler Dieu, et de jouir de son amour infini. Le refus de vérité nous ferme au bonheur véritable, à Dieu, à la juste relation. Au contraire, dans l’humilité de la croix nous sommes appelés à recevoir la grâce du Salut, pur don de Dieu pour chacun d’entre nous, sans aucun mérite de notre part, mais juste parce que Dieu est amour, et qu’Il nous aime vraiment. Une rencontre personnelle où il s’offre à l’initiative pour quémander dans la responsabilité de nos réponses afin d’accueillir sa grâce, et de le suivre pour toujours. Par la croix, Dieu nous dévoile la vérité de son amour divin et nous attire à Lui pour toujours, lorsque nous nous laissons transformer. La difficulté de l’amour est de l’accueillir dans sa capacité de conversion de notre part, et d’accueil de la puissance de la grâce d’autre part. « L’orgueil est le commencement de tous les maux. » 6 Et le Tentateur, sous la forme du serpent, coince le premier couple dans l’engrenage infernal de la défiance et de la volonté de toute puissance orgueilleuse. « Ils pensaient devenir comme des dieux, et ils se rendent compte qu’ils sont nus, et qu’ils ont aussi si peur : car lorsque l’orgueil a pénétré le cœur, personne ne peut plus se protéger de la seule créature terrestre capable de concevoir le mal, c’est-à-dire l’homme » 7 La dimension humaine dans sa relation à Dieu est entachée par la défiance, et la volonté d’être indépendant. Vaine pensée orgueilleuse de l’indépendance qui ne reconnait pas son histoire propre à la lumière de la vérité, sombre dans l’idéologie du Malin pour ne pas accueillir les pas de Dieu dans notre histoire, ni sa présence tout au long de notre vie. Car même si nous ne sommes pas fidèles à sa Parole, Lui est fidèle au nom même de sa Parole. « L’orgueil est un venin, c’est un venin puissant : une goutte suffit pour gâcher toute une vie marquée par le bien. Une personne peut avoir accompli une montagne d’actions bénéfiques, avoir récolté des applaudissements et des louanges, mais si elle n’a fait tout cela que pour elle-même, pour s’exalter elle-même, » 8 alors tout est vain. Lorsque l’égo l’emporte sur la croissance spirituelle et par conséquent sur le partage fraternel en vérité, tout devient vain. Oui l’orgueil est un venin, mais, lorsqu’il touche aux réalités spirituelles, il devient mortel.

 

3 Une non-personne (ou l’anti-personne), désintégration , ruine de l’être, c’est pourquoi il se présente sans visage Joseph
Ratzinger 1973. « La figure du Diable reste néanmoins fondamentalement insaisissable et il y a une discussion sur sa nature.
Des théologiens se demandent si le Diable est une personne. Les jésuites Bernard Sesboüé ou Karl Rahner sj affirment ainsi
que l’on ne peut pas dire que c’est une personne ni le contraire. Car ce qui constitue une personne est la capacité de relation,
or le diable est dans le refus définitif de la relation avec Dieu, mais le refus complet de relation est en soi une relation !... Le
cardinal Ratzinger parlait de Satan comme d’une non-personne. Paul VI a situé la question du Diable comme
«l’interprétation chrétienne du mal», alors que Jean Paul II a parlé du mal en évoquant des structures de péché, animées par
un égoïsme forcené qui permet l’existence de structures mauvaises, comme l’exploitation, à l’opposé de la solidarité. Le
pape François a souvent évoqué le Diable.» 14 mars 2023 n 15 Regard (février-mars 2023) de Bruno Fuglistaller SJ
4 P 186 Tactiques du Diable – JB Golfier
5 Is 14,13b-15
6 Catéchèses Vices et vertus Pape François – 2024 – 1 introduction ; gardien du coeur

La référence à la première attaque de l’adversaire contre Dieu dans ce refus de service au nom d’une étrange hiérarchie de domination révèle l’inadéquation d’un mauvais choix aux conséquences désastreuses. Or dès le commencement, nous sommes par vocation appelés à une juste altérité dans la complémentarité au nom même de la liberté de l’amour et de son dynamisme généreux dans la relation. Le Diable a refusé l’altérité de l’homme et sa complémentarité dans la louange à Dieu. Néanmoins le mal n’apparaît jamais dans sa brutalité la plus bestiale, mais s’infiltre malignement dans le soupçon des bonnes relations, et induit à l’erreur. Nous le voyons sur la présence même du mal, et des scènes blasphématoire dans une ambiance qui se voulait bonne lors de l’ouverture des Jeux Olympiques 9 . D’un autre côté, on voudrait expliquer d’un point de vue psychologique toutes les déviances, sans en saisir la teneur spirituelle, et la problématique de foi qu’elles posent. D’ailleurs, comme le dit le pape François, « Aujourd’hui, nous assistons à un phénomène étrange concernant le démon. À un certain niveau culturel, on pense qu’il n’existe tout simplement pas. Il serait un symbole de l’inconscient collectif, de l’aliénation, bref une métaphore » Non ce n’est pas une métaphore, mais une réalité parfois bien tangible d’une manifestation qui veut nous séparer de Dieu, certaines lectures autorisées d’exorcistes sur la vie d’Hitler par exemple, montrent par plusieurs signes des formes de possession assez évidente. Certes cela ne dédouane pas la responsabilité personnelle de l’homme, ni celle de ceux qui se sont engouffrés dans ce délire. Mais il faut avoir le courage aussi de dire qu’il y avait bien quelque chose de démoniaque. L’assassinat de Daphrose et Cyprien Rugamba dans le double génocide 10 du Rwanda en 1994, et la célérité des soldats à profaner le tabernacle et éparpiller les hosties, avant même de tuer les habitants, montrent la dimension spirituelle d’une telle haine, et la manifestation de l’esprit démoniaque. Toutefois, les yeux fixés sur le Christ, avec l’armure de la foi, le bouclier de la justice et l’épée de la victoire, nous voici armés par la Parole pour faire face. « La conscience de l’action du diable dans l’histoire ne doit pas nous décourager. La considération finale doit être également celle de la confiance et de la sécurité : “Je suis avec le Seigneur, va-t’en ”. Le Christ a vaincu le diable et nous a donné l’Esprit Saint pour que nous fassions nôtre sa victoire. » 11 Avoir confiance en Dieu et persévérer dans la prière sont les voies les plus justes d’un combat où Dieu fait son œuvre en abattant les murailles de Jéricho et manifeste sa victoire par les chants de louange et d’actions de grâce, avec parallèlement un même refus de toute forme d’idolâtrie. Ainsi, nous pouvons conclure l’orgueil est idolâtrie.

7 ibid
8 Catéchèses Vices et vertus Pape François – 2024 &16 La vie de Grace selon l’Esprit
9 JO 2024 Ouverture des jeux avec une imitation blasphématoire de la Sainte Cène
10 Hutu et Tutsi – Voir livre noires fureurs, blancs menteurs, Pierre Péan Ed mille et une nuits – livre d’enquête
11 Catéchèses L’Esprit Saint conduit le peuple de Dieu Pape François – 2024 &7 Jésus conduit par l’Esprit dans le désert

Père Gregoire BELLUT – Curé – Doyen

Depuis trois ans nous marchons sur des axes pastoraux discernés en Equipe d’ Animation Pastorale pour cheminer dans la foi. La première année (2022-2023), nous étions sur l’évangélisation et l’appel à la conversion dans la vie communautaire. Pas de vie dans le Christ sans conversion, entendons-nous tout au long des Ecritures. La deuxième année (2023-2024) nous avons ouvert l’année de la famille et une réflexion sur la pastorale des jeunes, des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. L’ouverture aux AFC (Association Familiale Catholique) a permis de proposer une catéchèse spécialisée pour les jeunes en situation de handicap, développer l’aumônerie avec une belle participation au week end « jeunes » proposé par le diocèse en novembre dernier. Ces points importants ont apporté une belle
cohésion. Nous commençons l’année pastorale (2024-2025) avec une attention particulière à la vie dans l’Esprit et à notre responsabilité de témoigner du Christ Sauveur.

Nous sommes transformés par la Parole de Dieu et la vie sacramentelle, encore faut-il vraiment en témoigner. Recevoir l’Esprit Saint dans notre vie nous ouvre à une dynamique de l’amour où tout est don. Dans la civilisation de l’amour, nous voici appelés à nous mettre au service des uns et des autres, signe de fécondité et d’authenticité de la grâce de Dieu en nous. « La parole pénètre plus facilement dans le cœur de celui qui écoute lorsqu’elle est encouragée par les actions de celui qui la dit, car tout en invitant de la voix, il aide à l’accomplir par son exemple. » 1 Nous pouvons nous dire chrétiens mais il nous faut vivre dans la réalité de la communauté paroissiale et la communion fraternelle notamment par le service. L’amour de Dieu passe par le souci du frère, et la prière de louange pour présenter au Seigneur nos demandes et rayonner de sa grâce en toute occasion.

Le lien entre la Parole de Dieu et la prière de louange est très fort, puisque les psaumes et des cantiques de louanges jalonnent toutes les saintes Écritures. Saint Grégoire rappelle également l’importance de la louange dans l’unité des chrétiens. « Pesez bien, … ce qu’est le mal de la discorde, puisqu’elle fait rejeter cela même qui délie du péché. Mais les élus, eux, sont toujours unis dans la charité ; et cette charité chante un chant de louange à leur Créateur, et inflige la peine de l’effroi aux esprits du mal, leurs antiques ennemis » 2 On pourrait en déduire à la suite de ce grand saint Docteur que la prière commune de louange et le développement de la charité entre nous provoquent un rejet explicite et efficace de l’antique ennemi. Ainsi, nous pouvons comprendre la prière de louange et l’exercice de la charité comme un exorcisme puissant. La recherche de communion dans la prière est la porte d’entrée vers une sainteté commune de ceux qui par le baptême sont élus. « C’est une armée en marche, et l’on entend bien comme ‘la rumeur d’une armée en campagne’, car leurs rangs résonnent, à la louange du Dieu Tout Puissant, du cliquetis du glaive des vertus et de l’arme des miracles » 3 Le témoignage de notre foi passe par la charité
fraternelle et la capacité à louer Dieu en toute occasion. La vie dans l’Esprit est l’expression d’un appel à la prière de louange et le témoignage dans tous nos actes de la joie de Dieu en nous. Croire est joie.

1 P 181, Règle pastorale tome I St Grégoire le Grand RG II-3
2 P 289 Homélie VIII, 9 St Grégoire le Grand op cité

Certes, nous devons sans cesse écouter la parole de Dieu vivante. Dans notre façon d’être et de nous comporter, elle nous demande d’agir par l’exemple de notre vie et de témoigner ainsi de la grâce reçue. Il s’agit d’un engagement fort de notre volonté afin de témoigner de la richesse de notre foi. Ce n’est pas du tourisme spirituel pour des spectateurs de la foi passant à côté du Christ sans le voir, ou des mercenaires de la foi s’engageant dans ce qui est utile sans y percevoir le sens, ni mettre l’amour de Dieu entre parenthèse, mais un appel à nous engager, dans la vie de l’Église et la réalité du quotidien afin de bâtir la civilisation de l’amour. « Vous ne connaitrez jamais vraiment les Écritures tant que vous ne vous laisserez pas transformer par elles » 4 Dans la grâce de la rencontre nous sommes entrainés à la suite du Christ sur le chemin de vie pour faire la volonté du Père et nous changeons intérieurement pour le laisser œuvrer selon notre vocation propre et son dessein d’amour. L’appel à vivre en Dieu demande l’humilité pour le recevoir et qu’Il puisse nous mettre debout. « Quand nous nous prenons conscience que nous sommes cendre et poussière, quand, réfléchissant à la faiblesse de notre condition, nous ne nous haussons pas raidis et fiers, alors le Dieu Tout-Puissant nous relève par son Esprit et nous met debout sur nos pieds. » 5 Le témoignage de vie n’est pas tant sur nos propres forces que sur la puissance agissante de Dieu dans notre vie, et notre faculté à nous rendre disponibles à sa grâce. L’annonce du Salut est l’expérience d’une rencontre de l’amour et d’un changement de vie qui m’orientent vers le meilleur bien.

L’appel à lutter contre la discorde demande un cœur de compassion pour retrouver dans toute relation au frère la volonté de vivre en communion et d’accueillir le pardon comme un renouvellement d’être soi dans le regard bienveillant porté sur le prochain. « La compassion a les yeux ouverts sur le bien et le mal et trouve dans l’un et l’autre des raisons d’aimer. C’est le seul amour ici-bas qui soit vrai et juste » 6 La vie dans l’Esprit accueille cette raison d’aimer au-delà des normes morales, notamment dans la dimension fraternelle d’images de Dieu appelées à la ressemblance. Le Christ en est l’exemple parfait sur la croix. « Père pardonne leur ». Rien ni personne ne peut arrêter l’amour. L’Esprit nous apprend à le vivre dans le juste rapport à Dieu, à nos frères et à nous-même et en cohérence avec toute la création. Nous devons être disponibles pour être acteurs de la grâce partagée et responsables envers tous du don reçu en tant que serviteurs fiables.

3 P 291 Homélie VIII, 10 St Grégoire le Grand op cité
4 P 274 Citoyen du Ciel Brother Yun
5 P 497 Homélie XII, 5 St Grégoire le Grand – Homelie sur Ezechiel
6 P 220L’enracinement – Simone Weil

Père Gregoire BELLUT – Curé – Doyen

 

L’éducation du désir dans une conscience de la liberté (suite et fin)
Etre libre ne se déclare pas, mais se vit dans tous nos actes quotidiens, comme un prolongement des possibles tout en gardant l’horizon ouvert. Une vérité dans le fait d’être soi pleinement, et non programmé à des tâches, mais dans une audace de créativité ou je puis m’épanouir franchement et totalement comme fils de Dieu appelé au bonheur pour l’éternité.

Il s’agit d’une transformation de l’être par la vie divine, une rencontre avec Jésus qui m’ouvre à d’autres choix parce que le bonheur est promis à ceux qui sont en communion avec Lui. Non un bonheur des biens ou des réalités terrestres, mais ce bonheur d’une fraternité retrouvée en Dieu et à l’écoute des béatitudes dans la simplicité du dialogue et la recherche de paix à travers notamment la vérité de l’amour et l’accueil de la miséricorde. Le sens de l’eucharistie dans cette transformation du croyant appelé à communion avec Dieu, prend par exemple un écho dans le travail, comme le formule si bien la philosophe Simone Weil 2 . « L’homme se mange lui-même ; il mange son travail. L’homme donne son sang, sa chair à l’homme sous forme de travail. L’homme se donne à l’homme en tant que travail » 3 Il y a une corrélation entre le don de l’eucharistie et la participation de l’homme à l’œuvre de création par son travail, et le don sincère de lui-même. Une même synergie ou nous voyons que dans nos choix nous pouvons participer par grâce à l’œuvre de Dieu dans un quotidien si ordinaire. Le don participe à l’expression d’être pleinement soi. L’amour de Dieu pour l’homme s’exprime d’ailleurs à travers la Personne Don, l’Esprit Saint, mais se vit au cœur même de la Trinité comme expression personnelle de l’amour. On pourrait même sans dissocier, exprimer l’amour dans une triple voie opérante de la volonté dynamique à travers la Parole et le Don. L’amour se donne à manger, c’est-à-dire participe à la relation dans un apport nutritif et total d’un choix déjà fait et qui nous demande alors d’être cohérent dans le temps. Le témoignage de vie est à comprendre dans cette liberté de l’amour vécue dans la Philosophe humaniste et baptisée peu avant sa mort, née le 3 fevrier 1909 et morte le 24 aout 1943 de culture juive, mais agnostique, elle opère un rapprochement avec le catholicisme tout en ayant du mal avec l’institution, d’où son baptême tardif. (ne pas confonde avec la femme politique Simone Veil) vérité de nos choix et selon une cohérence.

1 2 Co. 3,17
2 Philosophe humaniste et baptisée peu avant sa mort, née le 3 fevrier 1909 et morte le 24 aout 1943 de culture juive, mais agnostique,
elle opère un rapprochement avec le catholicisme tout en ayant du mal avec l’institution, d’où son baptême tardif. (ne pas confonde avec
la femme politique Simone Veil)
3 Œuvres complètes Tome 1 Simon Weil p 378-379

D’ailleurs, on peut donc parler de participation dans l’accomplissement des choix que nous faisons, à une communauté humaine, et à l’effort de rechercher le bien commun comme fondement de toute relation. L’amour est-il une expression solitaire ou bien imprègne-t-il toujours une dimension communautaire ? Et ne doit-on pas voir la personne à travers la communauté sans tomber dans les deux travers de l’individualisme ou du seul communautarisme ? « La question […] peut se poser de savoir si cette expérience de l’agir « en commun avec d’autres » n’est pas l’expérience fondamentales, et si, en conséquence, la conception de la communauté et de la relation ne doit pas être présupposée par celle qui traite de la conception de la personne » 4 . Les choix personnels que nous posons impliquent-ils toujours la relation à l’autre ? On ne peut traiter de la relation nous dit le philosophe devenu pape, sans se soucier de ce qui fait la personne humaine et son juste rapport à l’autre. La conception de la personne nous resitue l’acte dans une dimension logique de la cohérence à ce qui l’entoure et ce que cela implique.

En poursuivant la réflexion, la question posée est de savoir ce qui est premier entre l’acte personnel et l’acte d’interaction avec l’autre et ce que cela dit de la personne. Or l’expression de nos choix est toujours interrelationnel, par conséquent tout acte est portée par la communauté, et non présupposée portée par elle. C’est important de rappeler dans cette citation l’importance de l’autre comme expression de mes actions 5 . Le désir trouve son espace dans l’expression personnelle d’une relation au créé. L’appel à la sainteté est à retrouver dans cette exemplarité de vie à travers une époque donnée et un contexte particulier pour redire la grâce et la manifestation de la surnature dans un quotidien fait d’incertitude, de conversion et de conscience droite. Le choix devient l’expression de la vie dans l’Esprit et porte du fruit. De plus l’histoire de la personne induit des comportements et des réflexions propres à l’expérience. Si nous venons d’une Eglise des martyrs, comme nous pourrions le définir par exemple en Chine ou dans les chrétiens d’orient, la dimension de la croix est clairement présente et implique une radicalité dans les choix. Néanmoins, dans une société française assez corrosive dans l’expression de la foi, dans un détournement idéologique toujours présent (l’ouverture des JO en est un exemple) et l’impératif de respecter la paix sociale nous demande d’autres expressions de la foi dans le témoignage de vie, et l’appel à la gratuité de l’amour, retrouver ce juste bonheur demande de méditer la Pâques du Seigneur et de réveiller en nous l’ardeur de la foi pour partager vraiment cette liberté de croire en notre Rédempteur. La conception de la personne dit la valeur de la vie et de la dignité de tout être humain. Les régimes dictatoriaux nous l’ont bien fait comprendre par l’absurdité de leurs pensées.

4 P 337 Personne et Acte, Karol Wojtyla (Jean Paul II)
5 L’agir n’est pas une valeur personnelle dénuée de tout apport extérieur, mais d’abord l’expression d’une identité dans une communauté
humaine, et reliée à elle pour construire une singularité qui forme sens.

En communauté de croyants, cet agir se vit dans l’expérience de l’Esprit Saint, mais chasse aussi toute peur, pour se laisser cheminer dans la confiance des verts pâturages, en compagnie de Jésus, fidèle Pasteur. Tout acte de la personne demande d’être vu comme l’expression d’une relation qui touche à
toute l’humanité, même le plus intime dans le lieu le plus secret. L’appel à nous laisser vivifier dans la foi dans cette recherche de la vérité pour vivre l’amour en actes nous rend responsables des conséquences, et d’éventuels dommages occasionnés, même si tout n’était pas perçu ainsi au départ. Le manque d’anticipation, ou de perception des conséquences ne peut être une excuse à la faute, même si elle l’amoindrie. Une erreur par ignorance 6 est toujours moins grave qu’une erreur dans une pleine conscience.

Vivre la foi est un espace de liberté que nous devons cultiver à la lumière de la charité pour éclairer nos choix de la présence de Dieu et rendre un témoignage crédible. « C’est pourquoi nous ne perdons pas courage, et même si en nous l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. » 7 Travailler en profondeur notre histoire pour y puiser la lueur de l’action de Dieu dans notre vie, car Lui agit toujours, c’est nous qui sommes sourd à sa présence. Il est à coté de nous à chaque pas de notre vie, Il est au milieu de nous à chaque eucharistie, Il est en nous lorsque se manifeste la vie de l’Esprit Saint. L’appel à retrouver une intériorité dans notre vie, demande de puiser à la source de la vie la liberté de l’amour pour l’exprimer dans la responsabilité de nos choix et en pleine conscience de notre vocation d’image de Dieu. C’est avec autorité que je peux exprimer cette filiation d’enfant de Dieu,
d’enfant de Roi du Ciel, autrement dit de citoyen du ciel, qui témoigne sur terre de cette présence incessante de l’amour fécond et gratuit qui se reçoit et se partage. La liberté est fruit de l’amour et son action. « L’amour ne cherche hors de lui-même ni sa raison d’être ni son fruit : son fruit, c’est l’amour même. J’aime parce que j’aime. J’aime pour aimer. » 8

Père Gregoire BELLUT – Curé – Doyen

 

6 Sauf en cas d’ignorance crasse, c’est-à-dire une volonté de ne pas savoir pour ne pas (en) avoir à rendre compte
7 2 Co. 4,16
8 Sermon de S Bernard sur le cantique des cantiques

Le choix de l’amour comme fondement ontologique (suite)

(…) A contrario, la conversion se vit dans une communion d’amour capable de pardon et de réconciliation, c’est-à-dire de renouer le lien fraternel et d’avoir un regard de bienveillance en toute situation pour permettre à d’autres choix. L’amour nous ouvre les portes de la liberté pour grandir en présence du Seigneur et accueillir la réalité fraternelle comme une richesse et non comme une entrave. Savoir pardonner est le principe même d’une vie accueillie dans le lit du fleuve comme une réalité
dynamique d’événements, par des passages stagnants mais aussi des cascades, par des obstacles, et des ouvertures jusqu’à la mer. L’impossibilité d’un barrage de toute hauteur, pour empêcher l’eau de passer, prend à la gorge et devient en soi un mal. Une muraille de chine laissant la lèpre du péché se développer en dehors jusqu’à faire pourrir en dedans. La prudence quant aux possibilités de changement demande la vérité de la contrition, et la résolution du changement pour accompagner la personne dans une nouvelle dynamique, et des transformations qui portent en eux-mêmes une certaine croissance et la possibilité d’un fécondité de vie, et non d’une eau stagnante tel le marécage. Il aura bien fallut accueillir Saul devenu Paul, et lui donner une place dans la communauté. Le Fils ainé aurait dû avoir ce regard de bienveillance du frère et lui faire une place au lieu de tenir son cœur fermé à la grâce. Beaucoup de nos
choix sont à relire dans la temporalité avec toute la prudence du contexte pour ne pas être source d’enfermement (ni source de dévoiement comme nous l’avons signalé auparavant). Seul l’amour nous rend vraiment libre, c’est-à-dire capable de rechercher le meilleur bonheur dans le contexte d’une réalité quotidienne à découvrir chaque jour. Voici un exercice d’une liberté en devenir dans l’action de grâce de la rencontre fructifiante pour nous régénérer en présence du Seigneur et témoigner ainsi de notre foi.

Néanmoins la loi peut être aussi perçue comme un barrage d’énergie, pour laisser passer la grâce dans les turbines de la purification de tout notre être afin d’apporter l’énergie nécessaire à notre volonté pour exercer notre responsabilité propre de fils de Dieu, enfant d’un même Père. Pas d’eau stagnante mais un courant qui part à coup s’échappe pour laisser la force de la nature s’épanouir. Le souffle de l’Esprit Saint donne l’impulsion nécessaire à l’amour sans abroger la loi, mais former le sens premier dans le projet Créateur. La loi est sens de Dieu, l’amour l’expression dans la vérité de nos actes et la réalité du moment. Dans ce triptyque, la loi, l’amour et la vérité sont toujours présent dans notre histoire lorsque nous les actionnons avec justice et dans un discernement prudentiel ; pas de liberté sans prudence, et humilité,
chaque jour il nous faut mieux connaitre les réalités du moment sans substituer l’un des critères par rapport aux autres, mais y lire une forme de complémentarité dans une articulation de ce qui correspond au don de Dieu et au devoir de témoignage. Le choix de l’amour se vit dans le cadre de la loi et demande d’agir dans la vérité de tout notre être. Une cohérence d’être dans la communion de la relation est à percevoir comme un accroissement de la vie en Dieu par l’irradiation des grâces sanctifiantes. Si la
liberté est la recherche du bien, alors l’amour en est sa beauté et la vérité son expression. Or l’énergie à déployer dans ce choix de l’amour demande dans cette attraction atomique de la loi, l’amour et la vérité, la fission nécessaire pour irradier nos relations de la grâce. L’important n’est pas tant de dire la vérité jusqu’à parfois l’assener, mais de vivre la relation comme une rencontre ou nous sommes capable d’autres choix à travers la créativité de l’amour et de se rappeler que la loi est là pour nous aider à progresser dans l’énergie nécessaire pour le cœur de Dieu. Certes Dieu agit en premier, mais nous avons à contribuer à son œuvre par notre disponibilité à sa grâce, telle est notre liberté à éduquer chaque jour.

  1.  2 Co. 3,17

L’autorité comme liberté du service
L’autorité que nous exerçons dans les choix posés est d’abord une connaissance de Dieu par grâce, une volonté de le suivre jusqu’à la croix et la résurrection dans la vérité de notre être, et une obéissance à la loi comme témoignage de vie ; là est notre liberté, dans le choix de Dieu, et cette volonté de lui ressembler. Persévérer « dans la foi et la pratique du bien » 2 nous dit le saint Docteur, nous fait témoigner de cette vie en Dieu dans la juste place d’élus de Dieu, c’est-à-dire de ceux qui écoutent sa Parole et mettent en pratique. L’autorité par laquelle nous agissons, est reçue de Dieu, comme serviteur de la Parole de vie, et nous appelle dans la douceur à témoigner de notre foi dans l’expression des choix les plus ouverts sur la vie, la recherche du bien, et la beauté de l’engagement pour la vérité. C’est pourquoi l’énergie de la loi demande beaucoup de conversion nécessaire pour se laisser dépouiller et se laisser habiter par la grâce de l’Esprit Saint dans la disponibilité de tout notre être. « Toute âme qui même après avoir reçu la foi demeure dans sa dépravation ou y revient est appelée « maison irritante », parce qu’elle chasse loin d’elle par son inconduite celui qu’elle avait accueilli par la foi, Dieu, qui l’habitait » 3 Exercer notre autorité spirituelle dans notre vie c’est chasser tout ce qui conduit au mal, refuser d’abonder la tentation, et se souvenir que le Christ est venu pour nous sauver, c’est-à-dire nous
rendre libre. L’inconduite est un contre témoignage de notre vie prétendument ancrée en Dieu. La foi nous délivre de toute peur, pour nous ramener sur un chemin de repentance, et de changement pour mieux comprendre les choix que nous avons à poser. Une conversion à vivre chaque jour dans le combat spirituel et le refus d’écouter la voix de séduction qui entraine vers la superficialité et la facilité d’un
choix irresponsable, mais aux conséquences désastreuses. Le Diable nous détourne de la vie de Dieu, de la vie en Dieu. La tentation du cœur est toujours possible, mais la connaissance de Dieu, la méditation des Ecritures et la prière nous enracine à travers le jeûne et les veilles attentives aux signes de sa présence, comme guetteur de l’invisible. Avec les choix, il y a une part de renoncement, et d’engagement pour l’avenir du meilleur bien, mais aussi à la lumière du Christ un discernement à opérer à chaque instant pour mieux nous approcher de lui dans un cœur pur, et le contempler avec émerveillement et action de grâce.

2)   P 341, Homélie sur Ezechiel Livre I, Homélie IX, &8 St Grégoire le Grand
3)   P 343, Homélie sur Ezechiel Livre I, Homélie IX, &10 St Grégoire le Grand

Une fois que je trouve cette liberté jaillissante de grâce, alors tout est possible, mais tout n’est pas profitable. C’est dans un discernement prudentiel qu’il faut avancer avec précaution et la richesse de la prière et du conseil des frères pour faire le choix en Eglise de nous ajuster à la volonté de Dieu. La vérité de l’homme se vit dans la croix et la résurrection du Christ, comme un appel à la conversion, la purification et la transformation pour la joie nouvelle de la vie éternelle. Il y a bien une maturation
de changements à opérer du fond du cœur, ou l’amour vainc la haine en délaissant tout esprit de mensonge et en recherchant en toute chose la vérité pour le meilleur bien et la beauté du créé fait par Dieu. La loi est une invitation à la vie divine dans l’acceptation des transformations parfois crucifiante à faire pour connaitre la résurrection, c’est-à-dire la vie nouvelle en Christ. « L’amour du prochain, la beauté du monde, l’orientation vers un Bien absolu, se proposent – et s’imposent – à la liberté de tout homme, qu’il soit croyant ou incroyant » 4 Ce n’est donc plus une question de douane ou d’intransigeance, mais bien d’humanité et de dignité de l’homme dans un cadre qui fait grandir et produire du fruit. En s’imposant à la liberté de l’homme, la loi nous configure à la volonté divine, dans cet accueil d’une loi naturelle appelé raison de l’être dans le discernement de la réalité. Ce n’est pas tant
une question de foi qu’une question d’être, autrement dit de vocation humaine. D’ailleurs l’appel à la liberté est toujours orienté vers plus d’amour dans l’unification de tout notre être et la responsabilité de nos choix vécu en vérité, mais cet appel est aussi orienté vers plus de vie, c’est-à-dire d’une qualité de vie en Dieu pour l’éternité. Tout choix est à faire dans cette optique de la vie en abondance, et demande une
cohérence significative dans la vie de la cité. La fraternité n’efface pas l’égale dignité de la vie, et de toute vie, et la liberté en est l’expression le plus grande au service de tous, et le respect de chacun. La valeur de la vie humaine dans tous ses aspects ne peut s’orienter vers un choix partisan sans en porter les responsabilités collectives. L’autorité que nous exerçons a des conséquences sur l’ensemble et non seulement sur le particulier. Comme aime le dire le Pape François « Tout est lié ».

Père Gregoire BELLUT – Curé – Doyen

La réflexion en général part d’une situation pratique pour faire réfléchir, et Saint Paul nous rappelle l’importance de vivre une vie de liberté sous la mouvance de l’Esprit Saint. L’Esprit souffle la liberté et l’amour nous fait vraiment libres. Lorsque l’amour n’y est pas, c’est une illusion de liberté dans les choix posés, et cela s’appelle de l’aliénation. Le travail de la liberté est à rechercher dans une qualité relationnelle avec Dieu et notre prochain. Sinon, nous devenons esclaves de nous-mêmes et des autres dans une dépendance au refus du don, une dramatique course de la possession. Autrement dit, sans amour nous sommes esclaves du péché 2 et entrons dans une culture de mort, c’est être en proie à nos convoitises et dans une forme d’emprise émotionnelle empêchant le juste discernement du désir. Une vie sans Dieu conduit à un enfermement et l’idolâtrie nous égare loin de la source de la vraie vie. Travailler la liberté est d’apprendre à retrouver des choix qui ouvrent à une fécondité.

D’ailleurs la question de la liberté est donc la capacité à demeurer libre face au péché, dans le refus d’accéder à la tentation, mais au contraire, avec persévérance, marcher dans les exigences de la Parole de Dieu pour une unification de tout notre être. Une cohérence de vie ou chaque choix ouvre à une plus grande fécondité. La conversion est bien de ne pas vouloir suivre ses passions, mais se laisser guider dans le souffle de l’Esprit pour discerner le meilleur bien et le suivre. Appeler un chat, un chat est une nécessité dans la radicalité des engagements et la fuite rationnelle d’un relativisme mortifère. Trop souvent dans une mauvaise
compréhension de la liberté, nous pouvons arriver dans la vie spirituelle à parler de droit (en oubliant notamment nos devoirs), et affirmons des positions, même dans une forme de charité qui en oublie la vérité. « Revendiquer le droit à l’avortement, à l’infanticide, à l’euthanasie, et le reconnaître légalement, cela revient à attribuer à la liberté humaine un sens pervers et injuste, celui d’un pouvoir absolu sur les autres et contre les autres. » 3 L’enjeu de la conversion est justement de prendre conscience de nos enfermements ou nos difficultés à nous dominer, et à la lumière de la Parole prendre les résolutions nécessaires au changement.

1 2 Co. 3,17
2 2-2 Gaudium et spes – Vatican II
3 20 Evangelium vitae

Or la soif de possession jusqu’à notre propre vie, avant de l’accueillir comme un don entraine une sècheresse intérieur, un refus de la relation interpersonnelle sereine et juste avec Dieu et notre prochain, et se révèle une misère humaine effroyable dans la froide solitude et l’éloignement inexorable de Dieu. La perversion est de s’enfermer dans de telles positions et souvent dans l’incapacité d’en sortir, laissant douter même de l’indépendance du choix ! L’écoute fraternelle à la lumière de la sagesse du Très Haut, nous pousse toujours à entendre raison.

Le sacrement de l’eucharistie ne peut être partagé sans vivre le sacrement de réconciliation, en rappelant l’importance de se confesser au moins une fois dans l’année, avant Paques, (même s’il faut se confesser une fois par mois dans un rythme normal et avant les solennités). Ce n’est pas pour brimer qui que ce soit, ou refuser la communion, mais rappeler la cohérence des sacrements et la nécessité d’une liberté intérieure à faire grandir dans un juste rapport à la loi et à la miséricorde. L’exigence d’une vie chrétienne pour le baptême, et l’engagement des parrains 4 et marraines à avoir reçu les sacrements de l’initiation n’est pas de l’ordre d’une lubie personnelle d’une personne, ou d’une culture particulière, mais dans la catholicité de la foi, un rappel du droit dans une vision pastorale de fécondité du témoignage. L’importance de la fidélité dans le mariage et le lien de l’indissolubilité rappelle dans cette liberté de l’engagement une même prise de conscience dans l’attention à la fidélité de la présence eucharistique et l’exigence d’une vie orientée vers le meilleur bien à travers des actes positifs de recherche de conversion. La vie sacramentelle ne peut être lue en réponse à des droits, ni à un sentimentalisme éculé de braderie de charité, mais doit être liée à l’exigence d’une conversion qui demande un cheminement dans le temps et l’espace afin de percevoir le souffle de l’Esprit et discerner en vérité dans la connaissance des actes et l’appel à la sainteté, c’est-à-dire à la croissance de la vie de grâce avec Dieu. Ainsi, par notre engagement à suivre la vie de l’Esprit nous accomplissons notre vocation d’image de Dieu, et sommes illuminés de sa grâce, alors nous grandissons en sa présence et portons le fruit providentiel pour la moisson, chacun selon sa propre force. Dieu agit dans notre vie c’est une évidence, lorsque nous acceptons de voir les signes dans le dynamisme de l’amour et la logique de notre propre vie. Il se manifeste dans notre histoire, mais encore faut- il avoir le discernement nécessaire à l’intelligence des écritures et ouvrir nos yeux à sa présence pour témoigner avec vigueur de cette joie de la rencontre. Notre liberté est de l’accueillir comme notre Seigneur et notre Dieu et suivre le
chemin de vie dans l’accomplissement de la promesse de vie éternelle sur notre existence.

4 Canon 874 – Code de droit canonique 1983

Oui, notre vie prend sens lorsque Dieu est présent. « Car, si l’homme existe, c’est que Dieu l’a créé par amour et, par amour, ne cesse de lui donner l’être ; et l’homme ne vit pleinement selon la vérité que s’il reconnaît librement cet amour et s’abandonne à son Créateur » 5 La conscience de la présence de Dieu dans notre vie oriente tout notre être vers le chemin du Salut. Connaître l’amour et vouloir l’amour nous ouvre à une liberté de choix fécond pour une juste relation. Or le Concile nous rappelle que l’homme ne peut être pleinement lui-même que s’il s’abandonne à son Créateur, c’est-à-dire, s’il écoute sa voix et
vit l’amour en toute chose. ….

Père Gregoire BELLUT – Curé – Doyen

La vie de foi impose un engagement dans la vérité de l’amour que nous essayons de partager autour de nous. Des actes à poser pour rechercher ensemble la vie de Dieu dans le courant de grâce. En clair l’amour se vit dans les choix que nous posons. L’importance de notre implication tant religieuse que sociale impacte la vie fraternelle. Témoigner demande le courage d’annoncer et de s’opposer à tout ce qui conduit au péché, à la violence et à la haine, voire toute forme d’idolâtrie qui conduit fatalement à la tyrannie.

En effet la participation à la vie de l’Esprit Saint demande de rechercher une vie de communion. Comment pouvons-nous nous éloigner de la vie de Dieu ? Par l’idolâtrie ! Tel est la triste histoire de Babel. « Allons ! Bâtissons-nous une ville, avec une tour dont le sommet soit dans les cieux » Avoir une demeure dans les cieux à l’égal de Dieu, science sans conscience à perte d’âme. « Rien ne les empêchera désormais de faire tout ce qu’ils décideront. » Une utilisation de la liberté comme un possible sans vision, plutôt qu’une participation à la liberté de l’amour du meilleur bien, voilà de quoi Dieu veut protéger l’homme de lui-même pour le rapprocher du jardin de la cohérence dans l’inter-dit (propre de la relation) c’est-à-dire de l’amener à retrouver la communion dans la familiarité d’une parole de
vérité pour grandir en présence du Seigneur. Il nous faut rappeler l’importance de chasser toute intolérance, et notamment de refuser explicitement la culture de mort et du libéralisme libertaire, mettant le choix de vie en concurrence avec le choix de mort. Une telle pensée est ignominieuse et amène à la tyrannie d’une marchandisation du corps et à une forme de cynisme sociétal dont l’aspect économique dans son aspect mercantile n’est jamais éloigné. Le libéralisme libertaire, « c’est mon corps,
c’est mon choix », n’est ni écoutable, ni entendable, ni respectable, ni relatif. Comme le racisme, le ségrégationnisme ou toutes les positions de violence, une telle idéologie doit être dénoncée comme l’extrémisme d’une étrange éthique barbare et en tout cas régressive, voire d’un individualisme mortifère. La volonté de dialogue n’est pas l’absence de valeurs, ni le relativisme. Il faut toujours se positionner contre des propositions qui blessent l’humanité.

En effet le choix que nous posons personnellement a toujours une incidence sociale et ne peut pas être déconnecté du contexte ni du message que cela induit autour de nous. Une liberté interrelationnelle resitue nos choix dans le domaine de l’échange auquel nous participons personnellement et communautairement. Or dans la foi il nous faut grandir avec une meilleure connaissance de Dieu pour accueillir cette vérité de l’amour et opérer la meilleure liberté dans l’expression la plus juste du rapport à Dieu, au frère et à soi-même. « Associée à la parole, la connaissance est toujours une connaissance personnelle, une connaissance qui reconnaît la voix, s’ouvre à elle en toute liberté et la suit dans l’obéissance » 1 La connaissance n’est pas une fermeture sur des projets personnels, mais bien une construction du bien commun pour bâtir la civilisation de l’amour. Elle est ce désir de servir Dieu et d’être attentif à la création. La liberté s’exprime dans la connaissance de Dieu, et la volonté d’être à l’écoute de sa loi pour le servir jour après jour, et désirer véritablement d’être avec Lui. D’ailleurs la sainteté n’est-elle pas cette recherche personnelle de servir Dieu et de laisser sa grâce toujours première
agir en nous ? La liberté d’être disponibles à la grâce, à la vie de Dieu, à la vie fraternelle dans le souci du frère, un appel à retrouver cette ferveur première d’être tout en Dieu, telle est notre vocation. « Nous sommes libres, de la liberté de Jésus-Christ, mais il nous appelle à examiner ce qu’il y a en nous – désirs, angoisses, craintes, aspirations – et ce qu’il se passe en dehors de nous – “les signes des temps” – pour reconnaître les chemins de la pleine liberté : « Vérifiez tout. Ce qui est bon retenez-le » 2 .  » 3 Le témoignage dans la foi, et notre vie spirituelle dans la prière au service de l’amour est découverte de l’action de Dieu dans notre vie et une compréhension de ce que nous devons vivre dans la réalité du quotidien, une fécondité à acquérir pour grandir en image de Dieu et accueillir cette libération intérieure où tout prend du sens dans le feu de l’Esprit pour annoncer la Bonne nouvelle du Salut. Le Christ est notre vie. L’Esprit Saint nous enseigne que la pleine liberté est l’intelligence des Ecritures, rien ne
sert de gémir en allant vers Emmaüs, mais retournons à Jérusalem dans la joie de la rencontre.

1 &29 Lumen Fidei - François
2 1Th 5, 21
3 &168 Gaudete et exsultate - François

Aujourd’hui dans les lois autorisant l’avortement ou l’euthanasie, avec ce stupide désir de qualifier l’admissibilité de la vie, ou parfois dans un critère subjectif individualiste, d’un corps vu comme tas de cellule, nous voici conviés dans le souffle de l’Esprit Saint à répondre de notre foi. Nous sommes appelés à refuser cette forme d’idolâtrie de faire de la matière une fin en soi dans un clivage profond de fraternité. Le bulletin de vote est parfois un refus d’adouber une liste qui fait de l’avortement le fer de lance de sa campagne. Il nous faut être plus clairs dans l’engagement citoyen en relisant les programmes politique à l’aune des Ecritures, mais plus encore, dans un discernement prudentiel à rejeter tous les excès, et notamment la course en avant probablement démoniaque des lois bioéthiques proposant la
culture de mort comme seule porte d’entrée dans une prétendue modernité si tyrannique.

La vie dans l’Esprit nous demande d’orienter nos choix vers le respect de toute vie. Et cela demande des comportements responsables, comme le choix de nos politiques, en ne nuançant pas les propos, lorsqu’ils sont mis en exergue. Dire non à la culture de mort, c’est respecter le Dieu de la vie, c’est empêcher les langages discordants et l’embrouillamini dispersant au lieu de construire dans une recherche de bien commun. Le péché de Babel, dans la volonté d’être comme des dieux par la science et la technique, est dispersion de l’homme sur toute la Terre, mais aussi, une incompréhension du langage et une confusion des projets communs pour des intérêts personnels, culturels, raciaux, sauvages parce que sans Dieu. La même embrouille sur l’idéologie laissant de côté ceux qui ne pensent pas comme nous, les ostracisant, voir les radicalisant vers l’extrémisme alors que le propre de la tyrannie de la culture de mort est d’imposer ensuite son point de vue, comme le seul acceptable.

La tour de Babel est ce refus de Dieu et de sa grâce dans notre vie, pour une indépendance poussant au désordre et à l’embrouille dans nos vies. La foi est confiance en la Parole de Dieu, et une volonté commune d’amener la civilisation de l’amour. L’appel de l’Esprit Saint, pour redresser ce qui est tordu, comme un appel à marcher sous la conduite du Seigneur nous amène à recevoir l’amour de Dieu pour nous fortifier et nous rassembler dans un même Esprit. L’homme est appelé à marcher sous la conduite du Seigneur et à écouter sa Parole pour découvrir le courant de grâce dans l’actualité d’aujourd’hui. Ne baissons pas les bras, n’obstruons pas nos bouches, ne fermons pas nos yeux, mais, dans un témoignage fiable, redisons la radicalité de la vie comme un don de Dieu à respecter, une dignité de l’homme, qui se reçoit comme image de Dieu et dont il est dépositaire et non propriétaire. On ne met pas la main sur Dieu ni sur son image.

Père Gregoire BELLUT – Curé – Doyen