Les editos du père Gregoire Bellut

Nous avons passé un temps de prière du 22 au 29, appelé Jéricho, pour que se manifeste la puissance de Dieu dans notre vie, dans celle de nos paroisses et groupes de prière, dans notre diocèse. À travers un temps de louange, de méditation des Écritures et d’exhortation à laisser la lumière du Christ illuminer notre vie, nous avons pris le rythme de Dieu dans notre agenda en lui faisant place tous les jours. À la suite du psalmiste nous avons fait nôtre ce cri de joie « Moi je prends appui sur ton amour, que mon cœur ait la joie de ton salut, je chanterai le Seigneur pour le bien qu’il m’a fait. » 1 et le Seigneur nous a comblés de ses bénédictions, remplissant l’église de Valenton de plus d’une centaine de personne entre 20 et 21 heures, les deux tiers étant présents pour la messe de 19 heures en plein mois d’aout. Vraiment le Seigneur est bon.

Et maintenant, comment poursuivre cette source de louange dans le témoignage de vie ? Y a-t-il une conséquence à la rencontre avec Dieu dans notre prière, et laissons-nous notre vie s’illuminer par sa présence ? Nous entendons l’appel profond de notre vie, le sens de ce que nous devons accomplir, la bénédiction à recevoir. « La foi nous enseigne à voir que dans chaque homme il y a une bénédiction pour moi, que la lumière du visage de Dieu m’illumine à travers le visage du frère. » 2 Il nous faut témoigner de cette joie de croire et la partager comme une proposition de la vérité de l’amour dans la réalité fraternelle. Il est de notre responsabilité d’annoncer, et de la responsabilité de nos frères d’accueillir cette parole et de la recevoir comme source de vie. Parfois nous nous sentons responsables du résultat en oubliant que c’est Dieu qui agit par grâce et laisse à chacun l’expression de sa propre liberté, même si parfois nous sommes atterrés par les choix. Or le discernement des choix à opérer se vit dans la prière et la méditation des Écritures pour ouvrir notre intelligence à la volonté de Dieu. « La bénédiction, véritable signe sacré, « puise son sens et son efficacité dans la proclamation de la Parole de Dieu » 3 .Le partage de la Parole est alors le premier témoignage que nous devons donner aujourd’hui. Le Seigneur se révèle dans l’inattendu de l’histoire et nous révèle la joie de sa promesse dans notre vie. C’est une grâce à accueillir avec ferveur
pour marcher en confiance en sa présence. Comme nous le rappelle le conseiller spirituel « Faites, au contraire, tout ce qui est en vous le mieux que vous pourrez, selon vos lumières, et ne vous négligez pas entièrement vous-même à cause de la sécheresse et de l’angoisse que vous sentez en votre âme. » 4 La lumière de la vérité nous amène à la foi authentique dans la confiance de la promesse du Salut. Cette rentrée pastorale orientée vers l’attention à la famille et la place des jeunes et des vieux dans notre
communauté est l’occasion d’une communion intergénérationnelle dans la joie d’une relation aidant à la croissance. Même vieillir est croitre dans la grâce de Dieu, par une sagesse plus profonde et une stabilité de vie dans la raison de l’âge.

1 Ps 12 (13)
2 &54 Lumen Fidei – Pape François
3 &63 Verbum Domini – Benoit XVI - Livre des Bénédictions, Préliminaires généraux, n. 21.

Il nous faut redécouvrir en communauté paroissiale, notamment par les maisons d’évangile, un amour sans détour pour ne s’attacher qu’à Dieu et à lui seul. « En effet, Jésus est la lumière du monde, la lumière de la vie 5 ; il est le pasteur qui guide et nourrit les brebis 6 ; il est le chemin, la vérité et la vie 7 ; il est celui qui conduit au Père, de telle sorte que le voir, lui le Fils, c’est voir le Père 8 . » 9 L’expérience des témoins de la grâce est d’abord une manifestation de Dieu, le saisissement d’une rencontre. Par nos
vulnérabilités et notre vocation d’images de Dieu, nous sommes appelé à dire quelque chose de Dieu, même si parfois nos faiblesses nous éloignent de sa grâce prévenante.

La lumière de Dieu éclaire toute notre vie et nous fait prendre conscience de notre appel premier à vivre notre vie en Dieu. Il nous faut comprendre qu’au final, l’amour n’est pas affaire de sentiment mais bien de fidélité dans une conscience éclairée qui recherche la volonté de Dieu. En quelque sorte on pourrait vouloir aimer dans la lumière de la foi, même si notre cœur a du mal parfois à se laisser saisir par sa présence. C’est important de comprendre qu’un choix de vie entraine des obligations, des sacrifices mais un bonheur immense lorsque Dieu est présent. « Sous cette lumière, l’écoute réciproque, le respect et l’abstention de tout jugement hâtif, la patience, la capacité d’éviter que la foi, qui unit, soit subordonnée aux opinions, aux modes et aux choix idéologiques qui divisent, constituent autant de qualités d’un dialogue qui, à l’intérieur de l’Église, doit être poursuivi avec assiduité, volonté, sincérité. » 10 L’appel à la sainteté nous fait
vivre cette foi pour veiller à notre croissance spirituelle et à celle de nos frères et sœurs par le témoignage de notre vie.

4 LII, 7,1 imitation de J.C.
5 cf. Jn 8, 12
6 cf. Jn 10, 11-16
7 cf. Jn 14, 6
8 cf. Jn 14, 6-10
9 &19 Veritatis Splendor – Jean Paul II

Alors après ce temps de Jéricho, nous voici invités à continuer d’être à l’écoute de l’Esprit Saint, pour nous laisser embarquer dans le souffle de sa présence et connaitre les joies d’accomplir la volonté du Père à travers la méditation des Écritures. Il nous faut aussi aller trouver nos frères pour dire la joie du salut de Dieu, laisser l’Esprit Saint agir dans la grâce des rencontres et nous rendre disponibles dans le don sincère de nous-mêmes. Oui le Seigneur fera toute chose nouvelle.

Père Gregoire BELLUT -Curé – Doyen

Nous voici présents pour une nouvelle rentrée paroissiale, attentifs à porter les fruits de l’Esprit et à témoigner de cette vie de Dieu en nous. L’été a été le temps du ressourcement, de la prière, et d’un renouvellement de ferveur avec la semaine de Jéricho. Néanmoins, il y a une difficulté actuelle dans une forme d’indifférence qui peut habiter nos rencontres et le relativisme apparent de la foi. Ce n’est pas nouveau, le Père saint Maximilien-Marie Kolbe en parlait déjà avant-guerre. « À notre époque, ce n’est pas sans douleur que nous voyons comme une épidémie, ce qu’on appelle l’indifférentisme, se propager de diverses manières non seulement chez les laïcs mais même dans les communautés religieuses. » 1 De plus l’attraction aliénante des moyens qui sont mis à nos dispositions pour occuper le temps, que ce soit les écrans, ou l’occupationnel du sport ou des activités ludiques, interroge sur la ferveur que nous déployons à méditer les Écritures. Dans le souffle de l’Esprit, il nous faut retrouver le zèle évangélique « La vie n’est qu’un instant, une heure passagère… Tu le sais, ô mon Dieu ! pour t’aimer sur la terre Je n’ai rien qu’aujourd’hui ! » 2 . Notre mission d’évangélisateurs, est un appel baptismal à rendre compte de notre foi dans l’instant présent, ni hier, ni demain, c’est aujourd’hui que nous devons témoigner. Un vibrant appel à partager la Bonne Nouvelle du Salut, en annonçant dans la joie la révélation du Christ Sauveur qui nous annonce que Dieu est amour. « Ils sont effectivement innombrables, les événements de la vie et les situations humaines qui offrent l’occasion d’une annonce discrète mais marquante de ce que le Seigneur [dit] dans cette circonstance » 3 Il nous faut retrouver ce zèle évangélisateur, par un
renouveau de notre ferveur et notre volonté de poser des actes qui témoignent de notre foi, rejoindre chacun dans son histoire pour l’amener au Christ et faire luire, par la grâce de l’Esprit Saint, sa dignité de fils de Dieu. Le Christ nous rend libres et nous invite à aimer en vérité, dans tous les engagements que nous prenons. L’amour est premier dans l’annonce, il nous introduit à une meilleure compréhension
de la grande espérance du Salut. De plus, l’amour enracine notre foi dans cet esprit de liberté de qualité par la recherche du meilleur bien.

1 Office des lectures – Saint Maximilien-Marie Kolbe (8 janvier 1894- 14 août 1941 Auschwitz)
2 P 645 œuvres complètes Ste Thérèse de Lisieux PN5 Mon chant d’Aujourd’hui
3 & 43 Evangelii Nuntiandi – Paul VI

Reconnaissons que nous pouvons vivre dans l’indifférence une forme de clientélisme. Nous appartenons à tel service paroissial, à tel groupe de prière, parfois très impliqués, mais nous sommes étrangers au
reste, dans une forme d’indifférence : « ce n’est pas mon boulot,… on ne peut pas être partout,…ça ne m’intéresse pas… ce n’est pas ma culture ». On aboutit à des clubs fermés, ou à des pastorales ethniques
en nous éloignant ainsi de la dimension catholique de notre foi. Entre l’attitude consumériste, et l’attitude utilitariste, nous perdons le sens de Dieu. Or, l’amour est une démarche d’aventure personnelle et communautaire, et la liberté qui en découle doit accueillir les propositions en étant présents lorsque c’est possible, ou au moins être intéressés et dans notre responsabilité répercuter la proposition lorsque
nous ne pouvons pas nous rendre disponibles. Là encore, soyons attentif à l’appel de l’Esprit car nous pouvons faire des kilomètres pour aller voir un spectacle, mais lorsqu’il s’agit de prier, prendre la voiture ou tout autre moyen de transport, cela se révèle être insurmontable. La disponibilité et l’indisponibilité doivent se vivre dans un discernement prudentiel et la volonté de vivre le dessein du Père dans ma vie à
l’écoute de la Parole de vie, et embrasé par le feu de l’Esprit et non un désir déraciné de la prière.

Nous voici alors attentifs à déployer ce zèle apostolique par une disponibilité de tous les instants à la grâce du Seigneur et au moment opportun, pour rejoindre chacun dans son histoire et relire ensemble le dessein du Seigneur pour notre aujourd’hui. « La joie de l’évangile est celle que rien et personne ne pourra jamais enlever 4 . Les maux de notre monde – et ceux de l’Église – ne devraient pas être des excuses pour réduire notre engagement et notre ferveur. » 5 L’enthousiasmante rencontre avec le Christ est une réalité que nous devons déployer dans la vie de l’Esprit Saint afin de révéler à tous l’amour de Dieu le Père et le désir intérieur de vivre la communion dans le dynamisme trinitaire pour
l’éternité. « Donne-moi ton amour, conserve-moi ta grâce, Rien que pour aujourd’hui » 6 Il nous faut retrouver la joie des premiers chrétiens à se retrouver, non pour l’ambiance ou l’utilité du moment, mais parce que le Seigneur est au milieu de nous rien que pour aujourd’hui

4 cf. Jn 16, 22
5 & 84 Evangelii Gaudium – François

La première annonce percutante de notre foi devrait peut-être viser à retrouver une communion fraternelle qui attire. Rien d’exceptionnel, mais une volonté de vivre en communauté dans une joyeuse mixité culturelle et sociale. Vivre en frères en partageant son temps, sa ferveur, et en proposant des temps de vie où Dieu est présent, rien de moins ! Faire attention à tous et à chacun dans une volonté de vivre la fraternité à travers toutes ses réalités. D’ailleurs « la proximité de Jésus à l’égard des personnes qui souffrent ne s’est pas interrompue : elle se prolonge dans le temps grâce à l’action de l’Esprit Saint dans la mission de l’Église, dans la Parole et dans les sacrements, dans les hommes de
bonne volonté, dans les activités d’assistance que les communautés promeuvent dans la charité fraternelle, en dévoilant ainsi le vrai visage de Dieu et son amour. » 7 La méditation de la Parole de Dieu nous fournit la boussole pour prendre le bon chemin et laisser la grâce de l’Esprit nous habiter. Notre responsabilité baptismale est de nous rendre disponible à la grâce et d’avancer en confiance avec le Christ dans notre barque.

Père Gregoire BELLUT -Curé – Doyen

La joie d’exprimer notre ferveur malgré « les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps » 1 se trouve dans la rencontre personnelle du Christ et la vie dans l’Esprit pour faire grandir l’amour du Père dans la réalité de chaque jour. Les vacances sont un repos en Dieu, consistant à partir d’un quotidien, surexploité dans la gestion du temps, à une découverte d’un autre horizon, où Dieu est pleinement présent et à la première place. Un autre rythme où le repos donne l’occasion de lire et de méditer la Parole de vie, d’accueillir Dieu dans l’obéissance des Ecritures, l’entendre nous parler, de réfléchir tout au long de ce temps, qui est nôtre et qui est sien, à revoir la hiérarchie des valeurs afin de laisser l’Esprit nous guider sur un chemin de paix. Bref d’être présent au présent, et de nous tenir disponible à la grâce par la présence de l’Esprit Saint et un inattendu de son action dans notre propre histoire. Comme un temps de discernement et de pause, où nous percevons l’Esprit souffler à notre esprit les chemins du Salut, dans la vérité de la rencontre et l’amour de la vie.

Méditer la Parole de Dieu demande à tout baptisé d’être à l’écoute des réalités de la vie humaine, pour ancrer dans la foi nos choix afin de rendre compte de notre espérance. « Mais le drame de notre vie est que parfois nous voyons mal, et que par conséquent nous choisissons mal. En réalité, nous ne pouvons goûter au bonheur de l’Évangile « que si l’Esprit Saint nous envahit avec toute sa puissance et nous libère de la faiblesse de l’égoïsme, du confort, de l’orgueil ». 2  » Ce temps estival de repos et de rythme différencié pour chacun d’entre nous entraîne à accueillir une autre réalité et à réfléchir autrement au
rythme de vie et à ce qui est premier. La générosité qu’offre le temps de repos, nous fait gouter la disponibilité à nous ouvrir à l’immédiat avec candeur, et se laisser guider avec humilité pour répondre de notre vocation chrétienne et de ce qui fait sens pour nous aujourd’hui dans la recherche du meilleur bien.

Nous entendrons l’Esprit nous guider sur d’autres réalités, où l’amour est premier, dans la gratuité de l’engagement qui va jusqu’au bout et jusqu’au don de soi-même. En effet, l’amour reconnaît l’amour et veut toujours connaître plus. Il en est ainsi de notre vie de foi, d’espérance et de charité. Une vie de prière ancrée sur un autre rythme pour rendre Dieu présent différemment, mais aussi nous tenir à sa disposition, dans une intériorité toujours plus profonde lorsque nous nous ouvrons à la réalité de sa présence. Dans le souffle de l’Esprit, nous voici interpellés par la grâce à aller plus loin dans la rencontre vivifiante avec le Seigneur, à venir plus souvent à la messe même en semaine, à reprendre la prière
du chapelet et des lectures de la Parole de vie. Peut-être lire un ouvrage de catéchèse, ou de témoignage de vie chrétienne, et aller à la rencontre des autres dans l’annonce de la Bonne Nouvelle.

1 &1 Gaudium et Spes – Vatican II
2 LA 2023 Sublimatas et miseria Hominis – François citant exhort. ap. Gaudete et Exultate, n. 65.

Les vacances peuvent être un lieu d’expérience mystique par la progression vers la vérité de la relation avec Dieu, Lui qui est vivant pour nous aujourd’hui et pour l’éternité. L’expérience de la rencontre personnelle avec Dieu est commune à tous les témoins de la foi. Un temps de rencontre ou l’intelligence
s’ouvre aux Ecritures, et notre conscience fait alors confiance en Dieu notre Sauveur. Une volonté insatiable de le suivre jusqu’au bout parce qu’Il est amour et que nous voulons vivre totalement de cet amour même si parfois nous ne saisissons pas toutes les exigences ! Dieu existe puisqu’Il s’est manifesté dans notre vie, et nous répondons à son amour par l’engagement de nos choix de vie à la lumière de la Parole.

C’est l’occasion de prendre le temps de témoigner avec audace de notre foi dans le feu de l’Esprit et d’avancer en confiance avec le Seigneur. Être chrétien, c’est parler de Jésus, et de le partager autour de nous comme une chance de salut pour chacun. Seul Jésus nous sauve ! La foi se vit au sérieux, et non dans une forme de tourisme spirituel ou comme un péage de présence à exercer pour posséder les sacrements, pour rouler ensuite dans la vie dite chrétienne sans s’inquiéter des réalités de la charité à vivre autour de nous et dans la folie du relativisme des choses. Les petites routes de la grâce nous font découvrir la beauté de la création et poussent à la louange devant la prodigalité de l’amour et l’action de grâce pour tous les bienfaits reçus.

Alors, point d’indifférence mais cette quête intérieure pour chacun d’entre nous dans l’écoute de la Parole, le dialogue de la prière, et la réalité de la création par le sacrement du frère, afin d’aller plus loin avec Lui dans sa présence car avec Lui nous vivons pleinement toutes les expressions de notre foi
au service de la charité et éclairé par la grande espérance du salut. L’évangélisation est une joie pour chacun d’entre nous, une saveur de l’Esprit Saint que nous partageons dans notre croissance en Dieu, pour guérir toutes les réalités de l’homme abimé par le péché. La Parole de Dieu, non seulement guérit
mais restaure chaque homme et le remet debout. N’en doutons pas, mais plutôt vivons-le pleinement. Dieu ne nous abandonne jamais, même si nous pouvons nous égarer sur les chemins bien sombres de la concupiscence et du détournement de la grâce.

Il nous faut retrouver la ferveur de notre premier amour avec Dieu et partager cette joie de la rencontre qui fait de nous des témoins. « La Parole de Dieu écoutée et célébrée, surtout dans l’Eucharistie, alimente et fortifie intérieurement les chrétiens et les rend capables d’un authentique témoignage évangélique dans la vie quotidienne. » 3 Il nous faut garder la joie d’évangéliser pour amener le plus possible des frères à la grâce du Salut. Jour après jour, nous devons accueillir la présence du Seigneur. Les vacances sont justement le temps de pause de la vie professionnelle et sociale pour trouver un autre espace de rencontre, une hiérarchie du temps différente où Dieu est à découvrir par une autre disponibilité du cœur. Alors nous entendrons l’appel de notre pasteur à vivre cette joie de Dieu dans le témoignage de vie. « Évangéliser c’est rendre présent dans le monde le Royaume de Dieu. » 4

Père Gregoire BELLUT -Curé – Doyen

Le mot du moment pour dire son relativisme c’est demander le respect de ses propres convictions, pour ne pas se justifier et mettre la foi dans une forme de relativisme ambiant délétère. Les actes deviennent donc une liberté de choix de chacun, une expression de sa personnalité qui ne doit pas rendre de comptes. « Etant donné que les choses justes ou injustes sont telles qu’on a dites, quelqu’un se montre
juste ou injuste dans ses actes chaque fois qu’il les exécute de son plein gré. » 1 Les actes sont donc liés à la personne et demandent de rendre des comptes. Il n’est pas dans l’hypocrisie d’un aller-retour du respect qui refuse le questionnement. « Respecte ce que je pense, et je respecte ce que tu penses… » Le premier problème de cet argument fallacieux est que normalement le respect porte sur la personne humaine, sa pensée et ses actes et non seulement sur une prise de position ! Jean-Paul II à la suite d’Aristote nous dit que la personne s’exprime dans son acte mais ne se réduit pas à celui-ci. Le respect, notamment lors des discussions spirituelles, concerne donc la globalité de la personne humaine, et non
pas l’argument d’une symétrie dans la vérité de la foi, ni que toutes les croyances se valent. « Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie » 2 .

Le Christ nous conduit, Lui seul nous donne de marcher dans la vérité de la foi, sur le chemin du bonheur éternel, et nous fait comprendre la vie en Dieu. Certes Il agit avec Toute Puissance, c’est le mystère de la relation à l’homme, qui ne permet pas d’enfermer dans des carcans ou des schémas de pensée unique. La toute-puissance est universelle et ne dépend pas du baptême, mais bien de l’action de Dieu qui agit envers tous selon son dessein d’amour. Un non-chrétien (c’est-à-dire quelqu’un qui ne croit pas que Jésus Christ est Dieu) peut connaître une manifestation de Dieu dans sa vie pour l’aider à s’épanouir dans le meilleur bien. Mais pour tout baptisé, il y a bien une progression entre la pensée et l’acte pour témoigner dans tout son être de son propre attachement à Dieu et à sa Parole de bonheur à travers les commandements. Le Christ nous apprend à vivre dans la liberté de l’amour en choisissant toujours Dieu pour connaître le vrai bonheur de communion avec Lui pour l’éternité.

1 - Ethique à Nicomaque V 13.2.1 - Aristote | 2 - Jn 14,6

L’autre problématique du respect, c’est de le demander pour soi afin d’être tranquille dans ses positions sans se remettre en question et dans la suffisance de sa pensée parfois autocentrée. Il y a une forme d’hypocrisie dans cette demande de respect qui, lorsque la pensée conquiert un certain nombre de personnes, devient une tyrannie de la pensée (une police de la pensée), car ceux qui conçoivent autrement et vivent différemment (et parfois de manière prophétique) sont exclus du champ social. C’est donc un respect à géométrie variable qui vient d’une certaine forme de naïveté étonnante à vouloir vivre sa foi dans le flou spirituel, avec des ascendances ésotériques, et ne voit pas se profiler les tyrannies impitoyables qu’elle nourrit. Recevoir de Dieu demande alors d’être attentif à ne pas perdre le sens de notre relation à Lui. « Au nom de Dieu : respecte, défends, aime et sers la vie, toute vie humaine ! C’est seulement sur cette voie que tu trouveras la justice, le développement, la liberté véritable, la paix et le bonheur! » 3 Faire la vérité dans sa vie demande alors un discernement prudentiel pour ne pas s’engager dans des impasses impitoyables. Le respect se fonde d’abord sur celui de la vie en Dieu et de la vérité de notre relation aux prochains, pour promouvoir la dignité humaine afin de manifester la prodigalité de
l’amour de Dieu.

Il nous faut bannir le mot respect lorsqu’il est similaire à relativisme. Au contraire, nous devons appuyer sur la dignité de l’homme et sa création à l’image de Dieu qui demande d’être attentifs à vivre de notre vie en Dieu de manière fiable. « Toute menace contre la dignité de l’homme et contre sa vie » 4 doit nous fait réagir au nom de notre foi. Une juste relation à Dieu et aux autres nous fait vivre en paix et recevoir la présence de l’Esprit Saint dans la joie de la rencontre. Or, parler de la dignité de l’homme demande de promouvoir l’écologie intégrale, dans la relation de l’homme à Dieu, à lui-même, au prochain et à toute la création. Telle est la définition de l’écologie intégrale. Elle n’a rien à voir avec des programmes politiques parcellaires qui veulent des plantes, sans le principe de réalité des déplacements, et promeuvent la biodiversité tout en prônant l’avortement et l’euthanasie. Je ne parle même pas des anti-OGM qui acceptent le trafic d’ADN pour certaines PMA. La foi chrétienne nous demande une cohérence de vie et nous invite à témoigner clairement du message du Royaume. « Personne ne pourra nous enlever la dignité que nous confère cet amour infini et inébranlable. » 5 En toute occasion il nous faut redire cette joie de croire, témoigner de notre foi en toute circonstance et vivre du feu de l’Esprit Saint dans notre vie afin de propager la civilisation de l’amour et d’annoncer l’œuvre du Salut en Christ. « La proclamation de l’évangile sera une base pour rétablir la dignité de la vie humaine » 6 .

3 - Evangile de la vie – Jean Paul II
4 - 3 Evangile de la vie – Jean Paul II

Père Gregoire BELLUT -Curé – Doyen

La liberté chrétienne s’acquiert par la mort et la résurrection du Christ. Il nous a libérés du péché et nous donne une nouvelle loi, celle de l’amour qui n’est pas pour abolir les commandements, mais pour les accomplir dans la logique de l’essentiel. Par grâce, nous voici embarqués pour vivre la volonté de Dieu, en accueillant l’intelligence des Écritures et en étant disponibles à la présence de l’Esprit qui nous mène sur tous les chemins de croissance et de communion avec Dieu. Chacun selon son charisme propre est appelé à vivre l’instant de Dieu dans son aujourd’hui. Nous l’apprenons à travers l’enseignement de l’Église. « La troisième partie du Catéchisme présente la fin ultime de l’homme, créé à l’image de Dieu : la béatitude, et les chemins pour y parvenir : par un agir droit et libre, avec l’aide de la loi et de la grâce de Dieu. » 2 Agir droitement demande d’éduquer la conscience à la recherche du meilleur bien, et agir librement nous appelle à être disponibles à l’amour dans la vérité de nos actes. Reconnaître l’amour du Père dans la présence du Christ nous fait comprendre la révélation. « Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres. » 3 La liberté de l’amour nous affranchit des prescriptions humaines, pour rechercher dans la relation à Dieu la juste relation au frère.

Or, la vie en Dieu c’est le paradis, et la joie de Dieu nous y accueille dans la libre réponse de notre oui à son amour, toujours premier. « Cette vie parfaite avec la Très Sainte Trinité, cette communion de vie et d’amour avec Elle, avec la Vierge Marie, les anges et tous les bienheureux est appelée  » le ciel ». Le ciel est la fin ultime et la réalisation des aspirations les plus profondes de l’homme, l’état de bonheur suprême et définitif. » 4 L’accession au ciel est donc une réponse à l’amour de Dieu et la joie d’être avec Lui pour toujours dans la contemplation de sa présence. La dimension du paradis n’est pas l’excitation de nos désirs charnels sur terre qui deviennent une récompense au ciel, quand bien même y aurait-il dix mille vierges. « Le jugement emporte « l’homme en qui Dieu se complait » dans cette éternité qui subsiste entre le Père et le Fils par l’amour de l’Esprit-Saint… Sera introduit l’homme vivant, l’homme en son être tout à la fois âme et corps, le résumé de son destin, le contexte de ses actes et de ses œuvres… ce qui dépasse ici toute mesure, c’est qu’un être fini soit destiné à être introduit dans la communauté de Dieu. » 5 Le dynamisme de l’amour se trouve dans la relation, qui nous est proposée à travers la communion de tout notre être dans sa pleine cohérence avec la révélation du Dieu Un et Trine se révélant comme flamme d’amour. C’est pourquoi dès ici-bas nous sommes à la recherche du meilleur bien. « Nous pouvons nous ouvrir nous-mêmes, ainsi que le monde, à l’entrée de Dieu : de la vérité, de l’amour, du bien. C’est ce qu’ont fait les saints, qui, comme « collaborateurs de Dieu », ont contribué au salut du monde 6 . Nous pouvons libérer notre vie et le monde des empoisonnements et des pollutions qui pourraient détruire le présent et l’avenir. » 7 A travers cette liberté de Dieu qui fait de nous des filles et des fils, nous devons rechercher dans tous nos choix la vérité de l’amour pour orienter notre vie dans le choix de vivre la Parole et de nous offrir comme don de Dieu pour nos frères et sœurs.

1: Ga 5,1 | 2: & 16 CEC | 3: Jn 8,32-33 | 4: & 1023 CEC

Dans la cohérence de notre foi, nous affirmons la communion des saints et nous prions les saints et les saintes de Dieu qui portent nos prières devant sa face. La Reine du Ciel, Marie, montée corps et âme par anticipation, telle est la foi affirmée dans le dogme de l’Assomption, nous invite à nous tourner vers le Christ et à faire ce qu’Il nous dira. Elle porte nos prières auprès de son Fils et nous apprend à avoir le
juste comportement en nous demandant d’être réceptifs à la vie de l’Esprit. Elle nous révèle l’amour du Père dans la méditation des Écritures. Elle est pour nous signe de la présence de Dieu dans la nature humaine, un exemple à suivre, à aimer, à témoigner. La prière de la communion des saints à travers Marie et tous les saints n’est pas un dévoiement spirituel mais la logique de l’amour dans la relation du ciel et des différentes voies que nous offre le Seigneur pour accéder à Lui dans la transformation du cœur. Ce n’est pas non plus une concurrence, mais bien une complémentarité du dialogue. S’adresser à la Vierge Marie, et à tous les saints, oriente notre désir d’être tout en Dieu et de le retrouver face à face, Dans une foi confiante en sa providence qui passe par les médiations afin de mieux reconnaître l’amour créateur. L’Esprit Saint nous aide dans ce pèlerinage.

Nous comprenons alors que l’enfer, est le refus de l’amour, un enfermement sur soi-même et concrètement le refus du partage et du don. L’ange de lumière, Lucifer a été dans cet enfer lorsqu’il a refusé l’amour de Dieu et dans sa logique la relation de confiance. D’ailleurs le péché qui ne peut pas être pardonné 8 est justement le refus de la Personne Don qui peut tout restaurer lorsque nous acceptons qu’Il vienne nous rendre la cohérence d’images de Dieu appelées à la ressemblance. « La peine principale de l’enfer consiste en la séparation éternelle d’avec Dieu en qui seul l’homme peut avoir la vie et le bonheur pour lesquels il a été créé et auxquels il aspire. » 9 C’est un refus de Dieu qui nous rend esclaves du péché et des comportements déviants, comme nous le montre d’ailleurs si bien les addictions. Tout au long de notre vie nous devrons lutter contre tout ce qui nous conduit au mal, les violations de la dignité de l’homme et du respect de la vie. Nous devrons poursuivre un chemin d’accueil de son identité dans l’altérité de son être sans tergiverser et surtout, être à l’écoute de l’Esprit saint pour répondre son appel de sainteté.

5: P 133 Les fins dernières Romano Guardini | 6: cf. 1 Co 3, 9; 1 Th 3, 2 | 7: 35 Spe Salvi – Benoît XVI
8: Mt 12,31-32 « C’est pourquoi, je vous le dis : Tout péché, tout blasphème, sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre
l’Esprit ne sera pas pardonné. » | 9: & 1035 CEC

Ainsi donc, cette liberté dans l’amour de Dieu n’est pas question de nourriture ni de boisson. Le Christ nous a délivrés de toutes les prescriptions alimentaires de la loi de Moise, pour nous rappeler de vivre dans l’amour de Dieu : « ce que Dieu a déclaré pur, toi, ne le déclare pas interdit. » 10 Non, manger du porc nous ne conduit pas en enfer, car nous sommes libérés par le Christ une fois pour toutes. C’est le Christ qui nous conduit, lui le Fils de Dieu, notre Sauveur et notre Dieu. Il est le chemin de paix, la vérité de l’amour et la joie d’une vie de communion. Mais oublier de prier, d’entrer en relation avec lui, de vivre la communauté dans la célébration eucharistique nous éloigne de Dieu. Nous, chrétiens, réaffirmons
cette joie de croire en Dieu qui nous sauve par le Fils et nous envoie l’Esprit Saint, pour nous faire grandir en sa présence et vivre cette communion de l’amour dans la contemplation de sa face. Affirmons clairement notre foi, restons fidèles au commandement de l’amour et partageons cette Bonne Nouvelle du Salut à toutes les nations jusqu’aux périphéries de nos relations, de ceux qui nous entoure. En effet le Christ est notre joie et nous le partageons dans le dynamisme de l’amour. Réveillons le monde de sa torpeur pour redire la joie de Dieu dans la construction de la civilisation de l’amour.

Père Gregoire BELLUT -Curé – Doyen

La foi est un don de l’Esprit Saint qui s’exprime dans la connaissance de la révélation, à travers les signes qui nous sont donnés et la présence du Seigneur toujours plus aimant. À travers la résurrection, le Christ ouvre notre foi à la grande espérance du Salut et nous fait prendre conscience par le souffle de l’Esprit du
grand amour dont nous sommes aimés. Dieu agit dans notre histoire et nous saisit, pour que nous nous laissions saisir par sa présence, dans le désir de lui appartenir pour toujours à travers la communion des saints. « À Dieu qui révèle est due « l’obéissance de la foi » 1 , par laquelle l’homme s’en remet tout entier et librement à Dieu… Pour exister, cette foi requiert la grâce prévenante et adjuvante 2 de Dieu, ainsi que les secours intérieurs du Saint-Esprit qui touche le cœur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l’esprit et donne « à tous la douce joie de consentir et de croire à la vérité 3 ». Dieu se donne à nous qui, par la foi, sommes fidèles et lui faisons confiance ; lorsque nous nous éloignons de la parole, nous lâchons Dieu
pour l’errance de l’homme.

L’errance dans la foi peut être une remise en question de la connaissance de Dieu et de la révélation. Néanmoins il nous faut rester ferme, à travers la méditation des Écritures, la prière et le service de la charité, pour renoncer aux séductions et nous en éloigner. « Dans la mesure où elle annonce la vérité de
l’amour total de Dieu et ouvre à la puissance de cet amour, la foi chrétienne arrive au plus profond du cœur de l’expérience de chaque homme, qui vient à la lumière grâce à l’amour et est appelé à aimer pour demeurer dans la lumière. Mus par le désir d’illuminer toute réalité à partir de l’amour de Dieu manifesté en Jésus et cherchant à aimer avec le même amour. » 4 Il y a une transformation de tout notre
être en présence du Christ, car nos prenons conscience de notre condition humaine et de la joie des dons de grâce prodigués en nous pour nous rétablir dans la communion en Dieu. Par la foi, nos péchés sont pardonnés et la venue de l’Esprit nous mène à vivre dans un continuel émerveillement de la présence du Seigneur.

Marie, dans son appel à faire tout ce qu’Il nous dira, nous demande d’écouter en serviteurs fiables, la Parole du Seigneur. Le Fils de l’homme nous révèle Dieu comme Père et Fils. « Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi… Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon  Père… Croyez-moi : je suis dans le Père et le Père est en moi. » 5 Lorsque le Christ nous révèle le Père, en disant que le Père et le Fils ne font qu’un, il affirme bien la Trinité, comme Père, Fils, et dans d’autres passages comme Saint-Esprit. À travers l’image du Père, le Fils nous fait comprendre la relation particulière dans la Trinité. Objecter que si le Fils a un père donc il a une mère est une forme d’anthropomorphisme car la relation du Père avec le Fils dans la divinité ne reste qu’une analogie dans la relation du Père et du Fils et du Saint Esprit. La paternité de Dieu est réelle, répétée dans l’ancien testament, comme Père et Mère parfois, ce lien révèle l’amour prévenant, toujours attentif avec un regard bienveillant pour faire grandir et murir en sa présence.

L’autre illusion est de penser que Jésus a fait semblant de mourir sur la croix. La tentation est grande de refuser la souffrance humaine et l’absurdité du mal dans la civilisation de l’amour, mais c’est nier le réel. Dieu s’est fait pleinement homme dans l’incarnation du Fils, Il a vraiment souffert sous Ponce Pilate et a été crucifié comme nous l’affirmons à chaque Credo. Il est vraiment mort dans son humanité, ayant vécu notre vie humaine jusqu’au bout. Je passe les élucubrations postérieures, qui ont prétendu que les disciples au tombeau l’auraient pris vivant et l’auraient caché jusqu’à la fin de sa vie. Ce qui est attesté dans le Nouveau Testament c’est que les chefs juifs ont fait croire que les disciples ont volé le corps
du Christ pour faire croire à sa résurrection. On parle bien de corps mort. Mais les apparitions du Christ à plusieurs centaines de personne ont rendu le stratagème caduc.

Une autre errance de la foi est de croire en la falsification des Écritures. Évidemment tout cela est bien postérieur aux écrits évangéliques du I er et II e siècle. Il est sans intérêt de déclarer a posteriori ce qui a été discerné en Église dans le souffle de l’Esprit aux premiers siècles. D’ailleurs nous avons d’autres écrits contemporains des évangiles, qui n’ont pas été retenus, comme le Pasteur d’Hermas ou la Didachè. Ce sont des bons livres spirituels, mais ils n’ont pas été considérés comme canoniques. Cela peut faire penser par conséquent à un trafic des Écritures hors contexte. Certains évangiles apocryphes comme celui de Thomas, n’ont pas été reconnus, mais la révélation s’est fondée sur le récit des témoins, à la suite des lettres de saint Paul. Il est absurde de s’appuyer sur des textes bien postérieurs pour accuser de falsification. Si les évangélistes sont bien les auteurs il ne peut y avoir de falsification, puisque même si l’on admet des rajouts par les disciples, c’est dans la juste tradition apostolique attestée. L’apport
des textes plus récents est juste une mystification de la foi, et un refus de conversion, voir la culture d’une incrédulité dans la bêtise crasse.

Le mystère de la Trinité, d’un seul et même Dieu en trois personnes paraît à certains incompréhensibles et pourrait faire penser à une forme cachée de polythéisme. Mais c’est mal connaître la définition d’une personne, participant à la même nature divine et agissant en communion dans l’altérité des choix où aucune de trois personnes n’est étrangère. « Chaque personne en Dieu n’étant qu’une relation à l’Autre, dans une désappropriation totale d’elle-même; Dieu réalisant, dans le secret le plus intime de lui-même » 6 Dieu lorsqu’Il créé agit par le Père, mais le Fils et l’Esprit sont participants lorsqu’il parle : Il agit par le Fils, mais le Père et l’Esprit contribuent à ce dialogue. Lorsqu’Il se manifeste dans nos vies, c’est par grâce de l’Esprit envoyé par le Père et le Fils, un seul Dieu en trois personnes. Il n’y a pas trois Dieu, ni une seule personne. Or la Trinité nous introduit dans la révélation de l’amour toujours dynamique pour se manifester dans la richesse de la révélation.

La foi doit être l’occasion pour nous d’approfondir la connaissance de Dieu pour être au plus près de la révélation. Si Dieu nous a donné l’intelligence, c’est pour nous en servir afin de mieux le connaître et d’exercer nos choix dans la vérité de l’amour. Or seul le Christ nous fournit cette vérité qui nous rend vraiment libres, libres d’aimer et de choisir Dieu. La foi est donc un espace de liberté où nous rencontrons le Seigneur ! Soyons pleinement libres en prenant Dieu comme ami et, marchant le long de la route en méditant les Écritures pour avoir notre cœur tout brûlant, accueillir sa présence dans le partage.

Père Gregoire BELLUT -Curé – Doyen

1 Rm 16, 26 ; cf. Rm 1, 5 ; 2 Co 10, 5- 6 2 Grace adjuvante : La grâce qui s’ajoute à notre vie pour l’améliorer et lui donner la joie du ciel 3 Conc. d’Orange II, can. 7 : Denz. 180 (377). – Conc. Vat. I, l. c. : Denz. 1791 (3010). &5 Dei Verbum – Vatican II 4 &32 Lumen Fidei - François

La salutation de l’ange à Marie, connaît un problème de traduction dès le premier mot. L’ange a probablement donné à Marie la salutation hébraïque « shalom », signifiant « paix ». L’évangile transmis en grec nous dit donc « Kaire », la joie, et la traduction latine donne le mot « ave », pour « salut ». Si nous devions le dire dans notre langage vernaculaire, ce serait « bonjour ». A chaque fois c’est bien une salutation, mais entre souhaiter la paix, la joie, le salut et un bonjour, il y a tout un nuancier culturel et spirituel.

En continuant l’Ave maria, on réajuste le terme de « favorisée » par « pleine de grâce », que l’on a modernisé en « comblée de grâce ». Personnellement je n’aime pas « comblée », car j’ai l’impression de mettre la main sur Dieu et sa puissance d’action. Lorsque l’on comble, c’est rempli au point de ne pouvoir y ajouter autre chose, alors que ce qui est plein peut déborder, car Dieu continue toujours de donner. C’est une vision personnelle, même si nous disons dans les deux termes la même chose : Marie a reçu pleinement la grâce du Seigneur et a eu toute sa faveur, ce qu’elle confirme d’ailleurs par le Oui à son appel. Dieu est toujours premier et sa grâce fait de l’effet, mais Il attend toujours une réponse de notre part pour entrer dans le dynamisme du don qui nous fait découvrir la gratuité de l’amour jusqu’à l’oblation.

Or, justement, la grâce est l’accueil du regard bienveillant que Dieu pose sur notre vie, une bénédiction de sa présence qui nous donne de vivre pleinement la joie et, en même temps, l’expression de sa miséricorde qui vient au secours de nos faiblesses pour nous redresser et nous donner la force du repentir pour marcher sur le chemin du Salut. Alors nous chantons ses louanges pour les merveilles qu’Il fait dans notre vie car « le Tout- Puissant a fait pour moi des merveilles, saint est son Nom. » Dieu se célèbre et nous lui rendons l’action de grâce par excellence, c’est-à-dire le sacrement de la charité, autrement dit l’eucharistie.

Mais l’action de grâce nous fait expérimenter le souffle de l’Esprit Saint et l’accueil d’une réalité qui nous épanouit, à vivre par la disponibilité de notre histoire. Cruelle question des juges à sainte Jeanne d’Arc : « es-tu dans la grâce ? » Or celle-ci, mue par l’Esprit Saint, récuse le piège de répondre oui, au risque de s’entendre dire orgueilleuse, ou non, pour convenir qu’elle n’œuvre pas pour Dieu. Elle répond avec sagesse
« Si je n’y suis pas que Dieu m’y mette, si j’y suis que Dieu m’y garde »
c’est un appel pour chacun d’entre nous à rechercher la présence de Dieu, dans notre vie et dans les choix que nous posons, pour lui faire confiance en toute chose. Oui, nous devons toujours garder Dieu au cœur de toutes nos activités et redécouvrir à chaque instant la joie de sa présence dans notre vie.
La grâce est déjà une anticipation de la grande espérance du Salut promis à ceux qui choisissent Dieu pour toujours.

Toute notre vie, l’Esprit Saint travaille dans notre vie pour nous rendre réceptifs à l’amour de Dieu et ordonner nos désirs à rechercher la communion. « La grâce sanctifiante est un don habituel, une disposition stable et surnaturelle perfectionnant l’âme même pour la rendre capable de vivre avec Dieu, d’agir par son amour. On distinguera la grâce habituelle, disposition permanente à vivre et à agir selon l’appel divin, et les grâces actuelles qui désignent les interventions divines soit à l’origine de la conversion soit au cours de l’œuvre de la sanctification. » Marie nous montre le chemin, où nous devons suivre le Christ et faire tout ce qu’Il nous dira, pour vivre notre vocation d’images de Dieu appelées à la ressemblance.

Or l’incarnation du Christ nous fait redécouvrir la grâce du corps dans l’œuvre du Salut, c’est d’ailleurs le thème des catéchèses du pape Jean-Paul II énoncées comme théologie du corps. Il parle de l’Homme dans le plan divin et de la grâce de l’appel à se conformer au Christ dans tous les états de vie. C’est pourquoi la théologie du corps est aussi une théologie de la grâce, car tout ce qui est dit à travers le corps comme prolongement de l’œuvre créatrice contribue à la belle harmonie de la création pour la joie de Dieu et le salut des hommes. « La préparation de l’homme à l’accueil de la grâce est déjà une œuvre de la grâce. Celle-ci est nécessaire pour susciter et soutenir notre collaboration à la justification par la foi et à la sanctification par la charité. Dieu achève en nous ce qu’il a commencé. » 2 La première conversion à effectuer est d’accueillir la grâce, ce qui est déjà pour certains un passage libérateur pour accueillir la promesse du salut. Marie, en mère aimante, nous accompagne sur ce chemin d’humanité en nous invitant à regarder le Christ notre Sauveur et à entrer dans la rédemption du corps. Alors nous pourrons avec elle nous émerveiller : « son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. »

Père Gregoire BELLUT -Curé – Doyen

Le Christ est vraiment ressuscité des morts

La joie de Pâques fait de nous des témoins du Christ ressuscité et nous invite à aller à la rencontre de tous pour proclamer la bonne nouvelle du Salut. La joie de Pâques est l’annonce du Salut. De victime, le Christ se révèle comme le Sauveur : Celui qui vient faire de nos sacrifices de louange une communion au corps et au sang du Christ. L’holocauste devient alors l’oblation pour une vie de communion avec Dieu prolongée dans le souffle de l’Esprit. « En Jésus-Christ crucifié, déposé dans le sépulcre et ensuite
ressuscité, « resplendit pour nous l’espérance de la résurrection bienheureuse…, la promesse de l’immortalité future » 1 , vers laquelle s’en va l’homme à travers la mort du corps, en partageant avec toutes les créatures visibles cette nécessité à laquelle la matière est soumise. » 2 Par la résurrection,
nous comprenons que le corps a sa part dans la réalité du Royaume. Vivifié par l’Esprit, le corps prend une place nouvelle auprès de Dieu comme participant à sa louange. Le Seigneur passe dans notre vie et frappe à notre cœur pour que nous le laissions entrer. Il ne s’impose pas, mais la lumière de la résurrection dessille nos yeux pour entrer dans cette contemplation pleine d’émerveillement. Il nous a sauvés, ce qu’Il a promis s’est réalisé, tout cela est vrai. Il est Dieu et notre Rédempteur.

La mort n’est plus un mur, mais un passage vers la vie en Dieu. Corps et âme, nous sommes appelés à ressusciter à la suite du Christ. « Je crois en la résurrection de la chair et en la vie éternelle ». Cette affirmation est complétée par la Théologie du corps, qui est l’expérience du cœur dans la réalité du corps pour rendre gloire à Dieu dans la sainteté de tout notre être, c’est-à-dire l’ajustement au dessein de Dieu. « La structure et la destinée du corps sont incluses dans la vitalité de l’âme » 3 à chaque étape de notre vie, le corps connaît un cycle du temps dans un rapport aux autres qui s’expriment différemment. Ce n’est pas une question d’acquisition ou de perte, mais c’est un processus de croissance vers d’autres réalités. La vieillesse n’est pas un naufrage, mais la grâce d’un autre temps à découvrir dans un rythme différent qui nous apprend la prudence et la sagesse du discernement sur ce que nous devons connaître pratiquement. « Si, comme nous l’avons déjà dit, la création est un don fait à l’homme, alors sa plénitude et sa dimension la plus profonde sont déterminées par la grâce, c’est-à-dire par la participation à la vie
intérieure de Dieu lui-même, à sa sainteté. » 4 Comment vivre pleinement sa foi ? Ce n’est pas un catalogue de valeurs ni un carcan de normes à suivre, mais une rencontre avec notre Sauveur, une vie dans l’amour de Dieu et l’expérience d’un témoignage de cette lumière qui nous habite et nous fait
tendre vers la grande espérance du Salut.

Nous avons besoin de témoins ! Tout au long de notre vie, et celle de l’Église, dans la tradition apostolique, des hommes et des femmes ont vécu l’évangile et nous ont donné la saveur de Dieu à travers le témoignage authentique d’une vie tournée vers Lui. A la résurrection, Marie-Madeleine vient honorer le Christ, comme chacun d’entre nous, à la suite d’une méditation des Écritures, nous devons aller à la rencontre du Seigneur, dans le tombeau de nos nuits spirituelles, ces nuits obscures, où nous nous sentons parfois perdus et en train de couler… La confiance de Marie-Madeleine nous redit cette joie de voir le maître en tout temps, en tout lieu, en toute circonstance, pour effectuer le retournement nécessaire vers une authentique adoration en esprit et en vérité. « À notre époque aussi, les gens préfèrent écouter les témoins : « ils ont soif d’authenticité […] Le monde réclame des évangélisateurs qui lui parlent d’un Dieu qu’ils connaissent et fréquentent comme s’ils voyaient l’invisible ». 5 C’est un appel pour, dans notre propre vie, vivre notre vocation d’enfants de lumière. C’est le pèlerinage de toute une vie pour aller à la rencontre de Celui qui vient, où il nous faut sans cesse tenir nos lampes allumées pour nous tenir prêts à sa venue dans la gloire.

De quoi nous faut-il témoigner dans la joie de Pâques ? D’une véritable conversion qui passe par des actes sincères, notamment dans la recherche de communion entre nous, dans l’obéissance de la foi et une vie de conversion toujours à la recherche du meilleur bien. Trop souvent nous sommes des chrétiens de tradition, des mercenaires de la foi, avec une pratique toute relative sans déranger ce que nous ne voulons pas transformer sous le regard de Dieu. Nous vivons une forme d’idolâtrie spirituelle en voulant faire coïncider des comportements inappropriés avec la foi, au nom d’une perception de la nature humaine faite de relativisme et de culturalité. C’est une forme de déterminisme, dans ce que nous sommes, qui empêche toute possibilité de renouvellement dans la vie en Dieu ! Or, le Christ ressuscité
nous rappelle sa victoire sur l’homme ancien pour aller à la rencontre d’une nouvelle création. La foi permet justement la transmission du témoignage de l’amour avec un regard d’espérance. Avec l’amour de Dieu, toutes les possibilités sont offertes, pour nous faire cheminer dans la grâce. L’unicité de Dieu, concrètement vécue dans l’amour, demande un ajustement dans la relation du disciple pour se conformer à sa volonté. « Telle est la plénitude et la force de l’amour miséricordieux qui est pure grâce vivifiante. » 6 Le Dieu un et trine, dans le dynamisme de l’amour, révèle à l’homme le chemin de vie
pour tout son être. C’est pourquoi d’ailleurs, on peut dire que la théologie du corps, donnée lors des catéchèses du mercredi, est une théologie de la grâce où nous découvrons la joie de Dieu nous invitant à faire l’expérience d’une liberté retrouvée dans la vie de l’Esprit, à l’écoute du Verbe fait chair.

La résurrection du Christ ouvre notre intelligence à d’autres réalités, celles de Dieu, et nous fait marcher à la recherche du sens profond pour témoigner de cette joie de croire. Les anges nous parlent en témoins de cette joie de la résurrection qui fait entrer l’homme au paradis par le nouvel Adam. Il nous précède en Galilée dans ce carrefour des nations, parce que nous devons témoigner en tout lieu de la joie de l’évangile, dans l’audace de l’annonce et le zèle missionnaire.

Père Gregoire BELLUT -Curé – Doyen

«  Il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. »

Ecoute ce que je dis à travers ce que je fais

La conversion du cœur est d’être tout au Seigneur, faire sa volonté à toute heure et reconnaître notre vrai bonheur. L’éveil à la Parole de Dieu suscite en nous le désir d’aimer toujours plus et de vouloir une communion plus forte afin de progresser dans l’alliance et d’être fidèle au projet créateur
en vivifiant le don d’être à l’image de Dieu. « Parce qu’il est à l’image de Dieu l’individu humain a la dignité de personne : il n’est pas seulement quelque chose, mais quelqu’un. Il est capable de se connaître, de se posséder et de librement se donner et entrer en communion avec d’autres personnes, et il est appelé, par grâce, à une alliance avec son Créateur, à Lui offrir une réponse de foi et d’amour que nul autre ne peut donner à sa place. » 1 L’exercice de notre responsabilité dans l’usage du don de Dieu
nous invite à utiliser notre volonté pour mieux le connaître, faire mémoire de sa présence et vouloir aller jusqu’au bout avec Lui, dans le don sincère de nous-mêmes. Pourquoi vivre, sinon pour refléter cette image de Dieu autour de nous et trouver ce qui a du sens pour une croissance éternelle. L’image de
Dieu n’est pas de l’ordre du symbole, mais du sens de Dieu dans notre vie et du mystère de la révélation qui se perçoit dans l’analogie. En créant l’homme, Dieu y a laissé sa trace, son image, promesse de bénédiction et de Salut.

Or le problème de notre humanité est d’être confrontée d’abord à un choix qui demande la confiance et, d’autre part, au mal qui vient nous fourvoyer. L’acte de confiance est l’écho de l’amour de Dieu dans la pudeur de son action qu’est la liberté. Comment vivre cette liberté dans la source de nos
actes humains et y trouver sa moralité ? Dans la foi, la norme c’est l’amour, comme nous le répète inlassablement le Christ tout au long des évangiles. En enfants de lumière, nous sommes appelés à rayonner de l’amour de Dieu qui se vit concrètement dans la relation fraternelle et demande la vérité de nos actes. Cette vérité est l’acte de vouloir le bien et de déployer notre énergie pour le reconnaître, le choisir et ainsi croître en humanité. Mais nous le savons, il faut questionner notre intention pour déterminer avec discernement l’acte posé et questionner la finalité. « Un service rendu a pour fin d’aider le prochain, mais peut être inspiré en même temps par l’amour de Dieu comme fin ultime de toutes nos actions. » 2 Il nous faut comprendre les circonstances, y compris les conséquences, des actes pour en juger. La moralité de la personne qui agit doit donc être comprise sous les trois aspects de choisir un bien comme un impératif, de discerner l’intention et d’analyser les circonstances afin de prendre conscience de toutes les dimensions et de la portée de l’acte en lui-même.

L’amour se vit dans la vérité, c’est-à-dire la contemplation de Dieu qui éclaire notre vie par la Parole et nous fait discerner ce qu’il faut continuer de vivre, et ce qu’il faut changer pour orienter nos désirs vers le meilleur bien. Or, l’errance du mal nous fourvoie dans les impasses mortifères de nos choix de vie, doublé en cela d’une confrontation au Tentateur qui vient mettre le doute dans notre relation à Dieu et l’image qu’Il a mise en nous. Il nous faut choisir Dieu et vivre ce choix dans l’affirmation de la beauté de la vie et du don inestimable de la grâce que Dieu nous donne tout au long de notre existence. La vie dans l’Esprit est cette expérience de Dieu concrète, elle nous demande sans cesse de discerner le meilleur bien. Dans ce discernement, nous sommes appelés à regarder chaque jour comment vivre mieux cet appel de la grâce à rayonner de la présence du Seigneur. « Il me guide par le droit chemin,
pour l’amour de son nom » 3 . Comment celui qui est la vérité même pourrait-il me conduire par un chemin qui ne serait pas le vrai chemin, la bonne route, la voie droite ? » 4 Sans cesse, il faut réitérer notre choix de faire la volonté du Seigneur et de suivre ses préceptes au plus profond de notre cœur.

La montée vers Pâques est une ascension vers la révélation du Christ Sauveur. Il nous faut opérer les changements nécessaires afin d’être réceptifs à la présence de l’Esprit Saint et de reconnaître l’œuvre du Père pour vivre pleinement la contemplation dans le chant d’action de grâce. L’amour se vit dans la communion comme nous le révèle la Trinité, mais aussi dans la création. « L’homme est devenu image et ressemblance de Dieu non seulement à travers sa propre humanité mais aussi à travers la communion des personnes. » 5 Cette conversion à effectuer est donc l’articulation entre notre volonté de nous conformer à la volonté du Seigneur et de vivre en communion afin de rechercher ensemble comment marcher sur ses traces pour gouter au salut. La vie de l’Esprit est donc une expérience personnelle à faire en communauté dans le discernement personnel et fraternel afin de reconnaître l’action de Dieu dans notre histoire et dans celle de l’Église que nous sommes.

Père Gregoire BELLUT -Curé – Doyen

 « Donne-moi à boire »

       L’autorité du Christ se vit dans notre histoire comme un appel au Salut, et non comme un fardeau. La grâce du repentir est une joie de communion, un bonheur de la rencontre afin d’être abreuvés pour l’éternité, et non le passage d’un instant fugace et sans avenir. Il nous faut donner de la place aux possibilités de changement et accueillir les changements de cap à la suite du Christ comme un chemin d’espérance, sans enfermer chacun dans son histoire et le contexte particulier de son épreuve. Retrouver l’audace de la Parole de Dieu, qui laboure en nous, demande d’accepter les changements pour une meilleure fécondité. Le pardon n’est pas un concept intellectuel, mais une réalité vécue à travers l’amour que nous pourrons vivre dans la vérité de l’être. Cela demande parfois du temps et de l’espace pour retrouver les bons repères.

 

Or, la conversion que nous devons vivre dans ce temps du désert en route vers Pâques demande la vertu de force et la persévérance du courage. « Le courage nous permet de nous dépasser soit dans des situations extrêmes, soit de continuer tout simplement à être nous-mêmes au jour le jour. »[1] Il ne faut pas nous enfermer, mais au contraire admettre les possibilités de changement, accueillir les nouveaux actes avec bienveillance et nous ouvrir à d’autres réalités, celle de l’amour de Dieu et du frère, dans une recherche de communion authentique. Nous ne sommes pas esclaves de nos histoires et, si le droit n’est pas toujours juste, la justice demande d’être passée au crible de la miséricorde pour être vraiment dans la paix. C’est une démarche d’humilité, dans notre histoire et l’histoire de l’autre, pour accueillir ce désir de Dieu au plus profond de notre être et recevoir la source d’eau vivre qui nous régénère dans l’alliance éternelle. Alors, « si vous ne l’avez pas encore fait, ouvrez-vous avec humilité et avec confiance au repentir : le Père de toute miséricorde vous attend pour vous offrir son pardon et sa paix dans le sacrement de la réconciliation. »[2] Le courage consiste à reconnaître ses faiblesses, changer de vie et adopter un nouveau rapport avec nos frères, dans la reconstruction d’une civilisation de l’amour.

 

En effet, la conversion est bien de cet ordre-là : vivre la radicalité de l’amour lorsqu’il nous faut être prophétiques par nos choix de vie et, dans d’autres occasions, continuer dans la vie quotidienne d’être des gens ordinaires dans l’extraordinaire amour divin. C’est un engagement à suivre le Christ en toute occasion et, nous le savons bien, les événements exceptionnels sont par principe inhabituels. La traversée du désert s’effectue dans les 40 jours précédant les tentations que le Christ connaît. C’est un temps de désert où rien ne se passe, sinon le temps immuable d’un jour qui ressemble à un autre, dans la pénitence du corps et l’effort de la volonté pour dompter ce qui ne nous fait pas grandir et aller à l’essentiel. Jour après jour dans un quotidien qui se ressemble, il s’agit d’être fidèle jusqu’au bout, dans les moindres petit gestes, d’aller puiser de l’eau pour s’abreuver dans une vie sans entrain avec l’impression parfois de se désolidariser des gens de la cité, qui sont pourtant nos frères… tant bien que mal…

 

       Néanmoins la conversion est aussi l’espace de la rencontre, soit pour étayer notre foi face au Tentateur en rappelant les Écritures, soit face au Christ pour accueillir les changements nécessaires à notre vie, et faire sienne sa Parole afin d’en témoigner dans toute la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. Derrière l’appel du Christ à la Samaritaine « donne-moi à boire », se situe toute la question d’un Dieu qui veut se donner à l’homme et attend de lui une réponse. « Si tu ne me remets pas ce que tu es, comme tu es, je ne peux rien te donner de ce que je suis… Jésus se donne, s’approche pour nous transformer en Lui. »[3] Ce temps du désert, est celui de la rencontre avec ceux qui passent par-là, errant sur nos terres humaines, dans une migration des sens pour rechercher l’être et un dialogue qui va à l’essentiel, dans une générosité qui s’impose face à l’hostilité de la nature.

 

Ainsi pour nous, comme la traversée du désert pour la terre promise, la civilisation de l’amour demande la fidélité de l’engagement dans le temps et cette continuité de vie intense avec la Parole, comme lieu de ressourcement permanent. Dans ce cheminement du baptême, poussés par l’Esprit dans le désert, nous voici invités à choisir l’amour avec persévérance, car notre vie est au « Christ et le Christ est à Dieu. »[4] À chaque instant nous devons lui demander de nous ouvrir les yeux pour accueillir la lumière du Christ et répondre de notre appel baptismal en témoignant de l’amour généreux, dans la gratuité de notre être et sans s’arrêter aux actes, mais en regardant la personne dans tout ce qu’elle est. La vérité de la foi façonne la cohésion de la personne appelée à être image de Dieu. « Maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière ; conduisez-vous comme des enfants de lumière. »

 

Père Grégoire BELLUT -Curé – Doyen

[1] Entretien avec le général Gallet in RETM 312 p 49

[2] 99 Evangelium Vitae

[3] P 53 L’Évangile de la rencontre – Philippe Mac Leod

[4] 1 Co 3,23