« Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu »
L’appel à la conversion du carême demande de revoir nos choix de vie pour suivre le Christ et nous laisser aimer en vérité, c’est-à-dire dans notre être profond, afin de faire resplendir cette image de Dieu qui nous habite. La conversion appelle au changement de tout notre être pour marcher en communion avec Dieu. C’est un appel à vivre dans la pureté du cœur, c’est-à-dire sans partage, pour le Dieu unique et Lui seul. L’impureté doit alors être comprise comme une forme d’idolâtrie dans toutes ses expressions.
Qui suivons-nous vraiment ? N’est-ce pas d’abord le Christ ? Nous devons prendre conscience de cette vérité fondamentale de l’amour qui choisit le Christ, qu’Il soit sur le mont des béatitudes, sur la croix ou au matin de Pâques. Il est toujours le même, nous invitant sur le chemin de sainteté. Cet appel à la sainteté nous invite à exercer les vertus de manière héroïque jusqu’à donner notre vie pour le Christ dans l’annonce de l’évangile et en faveur des autres, comme le Père Maximilien Kolbe et tant d’autres. La conversion totale est bien cette relation d’amour qui va jusqu’au bout, dans la radicalité des choix et le refus de toute compromission. Les sept moines de Tibhirine, comme d’autres communautés catholiques, ont été au service de l’évangile jusqu’au bout. « Le chrétien est appelé, avec la grâce de Dieu implorée dans la prière, à un engagement parfois héroïque, soutenu par la vertu de force par laquelle — ainsi que l’enseigne saint Grégoire le Grand — il peut aller jusqu’à « aimer les difficultés de ce monde en vue des récompenses éternelles »[1]. »[2] Ce chemin prend toute la vie pour s’affermir dans la Parole de Dieu et rechercher comment être ouvrier de communion et instrument d’évangélisation. L’impact que nous aurons n’est pas d’être parfaits, mais de montrer les changements de vie qui s’opèrent lorsque nous sommes avec le Christ. L’humain devient divin lorsque la grâce nous accompagne et que nous reflétons par notre obéissance la lumière de Dieu autour de nous.
Il y a des questions fermées, comme de savoir si nous devons être des saints ou des héros. « Deux biens ne s’opposant pas », nous devons être des saints et vivre notre vie de manière héroïque à la suite du Christ, pas après pas, à l’école de sainte Thérèse de Lisieux. Encore faut-il s’entendre sur le terme de héro, certains le confondant avec les super-héros des films, alors qu’il nous faut juste être des hérauts de la Parole de Dieu par l’accomplissement de la volonté de Dieu dans notre vie. « Les martyrs et, plus généralement, tous les saints de l’Église, par l’exemple éloquent et attirant d’une vie totalement transfigurée par la splendeur de la vérité morale, éclairent toutes les époques de l’histoire en y réveillant le sens moral. »[3] Dans la crise qui nous touche aujourd’hui il ne faut pas nous tromper de héro, mais entendre le Christ sur la croix nous rappeler la vulnérabilité humaine et l’appel à le suivre, dans une conversion de plus en plus profonde, un retournement du cœur et l’appel à vivre sous la lumière de l’Esprit Saint. Rien ne sert de tourner en boucle et de ruminer contre nos frères, c’est de notre conversion qu’il s’agit et d’un appel à approfondir la Parole par l’exemple de notre vie. Tout se remettra droit par la venue de l’Esprit Saint, n’en doutons pas.
Nous ne pouvons pas parler de conversion si nous ne voyons pas la sainteté à laquelle nous sommes tous appelés. « La vie des saints, reflet de la bonté de Dieu — Celui qui « seul est le Bon » —, constitue une véritable confession de la foi et un stimulant pour sa transmission aux autres, et aussi une glorification de Dieu et de sa sainteté infinie. »[4] C’est dans les profondeurs de la personne humaine, que l’appel de Dieu doit se manifester et non dans la superficie des paroles. C’est un changement de vie avec une adhésion du cœur pour nous laisser habiter par la grâce de l’Esprit Saint. « A l’Esprit de Jésus, accueilli dans le cœur humble et docile du croyant, on doit donc l’épanouissement de la vie morale chrétienne et le témoignage de la sainteté dans la grande diversité des vocations. »[5] Le chemin de Pâques commence par le mercredi des cendres et la prise de conscience de nos fragilités et des chutes qu’occasionne le péché. Mais c’est aussi un appel à se relever en Dieu, à retrouver notre liberté intérieure pour choisir à nouveau de marcher sur le chemin de sa grâce et nous raccrocher à Lui malgré nos petitesses.
Tout au long de notre vie, nous sommes appelés à faire retentir de manière renouvelée l’appel de l’évangile et à retrouver le sens de Dieu en marchant vers la maison du Père. La route est difficile, parce qu’il y a les attaques de l’adversaire, nos propres faiblesses et le peu de dispositions à prendre la lumière de l’Esprit. Et pourtant, à chaque chemin vers Pâques, il nous faut retrouver notre vocation baptismale pour rendre compte de l’image de Dieu qui habite en nous et qui resplendit par grâce de l’Esprit. Alors nous pourrons chanter avec le psalmiste : « Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. »
Père Grégoire BELLUT -Curé – Doyen
[1] Moralia in Job, VII, 21, 24 : PL 75, 778
[2] &93 Veritatis Splendor – JP II
[3] &93 Veritatis Splendor
[4] &107 Veritatis Splendor
[5] &108 Veritatis Splendor