« J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple»

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L’éthique a une autre logique que nos émotions. En effet, deux biens ne
s’opposent pas, deux maux ne s’additionnent pas, un bien et un mal ne s’annulent
pas. C’est assez simple à comprendre. Le bien spirituel d’aller à la messe ne s’oppose
pas au bien spirituel du service de la charité auprès du frère. Ainsi, dire que je
préfère plutôt servir les pauvres que d’aller à la messe est un non-sens, pire un
illogisme de l’amour parce que cela s’oppose à la communion et à l’unification de la
personne dans la cohésion de ses choix. Deux maux ne s’additionnent pas, en effet
quand bien même mon frère m’a volé, rien ne justifie que je le vole. Le relativisme
dans le mal est accroissement de division et de désespérance. C’est une logique de
culture de mort. Un bien que je fais ne remplace pas le mal que j’ai pu faire et
inversement. On n’enferme pas la personne dans son acte, mais l’acte dit la
personne, comme l’a écrit Karol Wotjyla dans Personne et acte. Dans la logique de
l’amour, seul le pardon peut effacer le mal et, dans la gratuité de la relation
retrouvée, instaurer une nouvelle liberté dans nos actions en retrouvant un climat
de paix et de communion.

Concrètement, la guerre en Ukraine est un scandale et la violence ne peut en
aucun cas être justifiée par l’histoire ou la situation socioculturelle. Ceux qui sont
dans une telle logique sont dans l’addition des maux pour justifier leurs propres
turpitudes. Le chrétien, lui, devra discerner, en artisan de paix, comment sortir de
l’impasse de la violence et restaurer une situation de justice, certes, mais ne pourra
jamais cautionner la guerre et les maux qui vont avec. La violence est toujours un
échec du rapport. La force gagne à un moment donné, mais se révèle d’une faiblesse
incalculable dans le temps comme un effondrement complet et total. N’oublions pas
que notre premier devoir est de prier et de refuser toute forme de violence, que ce
soit dans les propos ou les gestes. Nous devons aussi affirmer la primauté de la vie
et le respect de tout être humain, de sa conception à son dernier souffle. La dignité
n’est pas un choix, mais une réalité à vivre dans tout notre être.

Le carême est lieu de conversion pour cheminer vers Pâques et la pleine
connaissance de notre foi par l’Esprit Saint à la Pentecôte. Pour nous, il y aura des
choix politiques à faire pour privilégier les candidats qui œuvrent pour la
civilisation de l’amour. « Ces échéances électorales sont une occasion de débattre et
de discerner dont les catholiques ne sauraient se désintéresser. » 1 Aucun candidat
ne peut se prévaloir d’un vote pleinement catholique, mais ça ne doit pas pour
autant être l’occasion pour nous de fuir nos responsabilités et de ne pas voter.
Saint Grégoire le Grand parle du moindre mal comme une décision à prendre,
sachant bien qu’aucune n’est satisfaisante. Benoît XVI rappelle que nous ne
pouvons pas conditionner notre bulletin de vote sur une seule question, mais c’est
bien dans l’ensemble du programme politique du candidat qu’en conscience nous
devons discerner ce qui nous semble juste. En termes de valeurs dans la foi, suivant
nos personnalités et nos histoires personnelles et générationnelles, nous
effectuerons des choix prioritaires. Les évêques rappellent 7 points d’attention,
comme lieu de réflexion sur le discernement. Vivre la paix ensemble, le respect de la
personne humaine intégrale, promouvoir la liberté, l’équité et une fraternité
responsable, retrouver le sens de Dieu dans la pluralité des expressions religieuses,
s’éveiller à la dimension écologique authentiquement intégrale et non partisane,
réfléchir sur la communauté humaine dans les interactions à vivre entre pays, et
enfin la transmission comme lieu d’échange et de fécondité. Ce sont des vrais sujets
qu’il nous faut traiter dans l’ensemble et non comme un cahier des charges à cocher
en partie.
Deux biens ne s’opposent pas, deux maux ne s’additionnent pas, vivons ce
temps comme lieu de cohésion intérieure pour mieux dialoguer avec notre Seigneur
et laisser l’Esprit Saint nous aider à discerner ce que nous devons vivre au moment
présent. Ouvre nos yeux, Seigneur, à la lumière de ta présence.

Père Gregoire BELLUT -Curé – Doyen