« Brigade du Christ »

Un père, en voyant sa femme et sa fille partir pour l’Église, leur dit « C’est la brigade du Christ qui part » rappelant la vieille expression « les chevaliers du Christ » 1 . Il y a bien quelque chose de structurant dans une brigade, comme une corporation d’un même sens pour l’évangélisation, et la volonté de se mettre au service du Christ. Une réalisation de notre vocation prophétique du baptême en fils de roi dans un dialogue par la prière et la vie de l’Esprit. Si le Christ nous renouvelle dans notre vie, alors nous devons en être témoins, telle est l’exhortation pressante de Benoît XVI en parlant de disciple missionnaire. Dans l’appel aux pasteurs, il demande d’ « Aider les fidèles chrétiens à vivre leur foi avec joie et cohérence, à prendre conscience d’être disciples et missionnaires du Christ, envoyés par Lui dans le monde pour annoncer et témoigner de notre foi et de notre amour. » 2 Il nous faut retrouver le désir de Dieu à travers le zèle de la foi pour annoncer la joie du Salut à tous ceux que nous rencontrons, sans restriction de race, de langue ou de nations. La rencontre du Christ irradie toutes les cultures pour dévoiler la vocation de l’homme, image de Dieu, et lui montrer la juste relation au Père dans le dialogue de la prière, la méditation des Écritures, et la volonté de communion. Le signe tangible de notre foi est notre capacité à une fraternité ouverte à tous dans l’amour gratuit le don sincère et la capacité de réconciliation.

Certes, le mot brigade, dans la société actuelle, sous tutelle des abus sexuels et de phénomènes d’emprise, peut paraître suspect. De plus, dans une mentalité antimilitariste, il peut y avoir une forme de rejet de toute autorité comme une aversion pour le combat, même d’un combat nécessaire et dont la source prend son origine dans la royauté du Christ Or c’est bien de cela qu’il s’agit : de l’autorité du Christ dans notre vie, d’une liberté nouvelle à acquérir dans la vérité de nos actes au service de la charité. En brigade, nous partons en disciples joyeux propager la Bonne Nouvelle. Le mot apôtre n’est-il pas en grec le mot d’envoyé, rappelé à la fin de la messe « Allez dans la paix du Christ » pour évangéliser autour de nous ? « L’Église est missionnaire dans son essence. Nous ne pouvons pas garder pour nous-mêmes les paroles de la vie éternelle, qui nous ont été données dans la rencontre avec Jésus Christ : elles sont destinées à tous, à tout homme » 3 Notre première conversion est de prendre conscience de notre peu d’engagement dans la communauté paroissiale et ecclésiale afin de prier l’Esprit Saint pour nous éclairer sur notre manière de témoigner de notre foi. N’ayons pas peur des mots, ni de cette brigade du Christ qui
annonce la Bonne Nouvelle du Salut, à chaque fois que nous déployons la Parole de Dieu par nos mots et par nos gestes, puisant dans la prière, premier préalable à toute action, le dynamisme de l’amour et de la vie de communion avec Dieu.

1 Miles christi -La militia Christi est un des thèmes les plus anciens de la spiritualité chrétienne, déjà présent chez saint Paul, selon la
Vulgate. (L’article « Militia Christi », dans Dictionnaire de Spiritualité, t. 9, Paris, 1980, c. 1210-1223.)- Eph 6, 14-17, 1 Thess 5,8, Rom
13,12
2 Session inaugurale des travaux de l’épiscopat Latino-Américain 13 mai 2007 – Benoit XVI
3 &91 Verbum Domini – Benoit XVI

Un des principaux freins, au sein même de l’Église, est de confondre le prosélytisme et le zèle missionnaire dans la ferveur de vocation baptismale et l’envoi « pentecostal ». Le prosélyte annonce avec une volonté de convertir l’autre par force humaine, et non par grâce de l’Esprit Saint. D’autres fois, s’ajoute l’amalgame d’un relativisme des religions qui nous rend inaptes à l’écoute de l’Esprit Saint pour la mission dans une contextualisation rendant inaudible l’appel à la conversion. « Le message du Christ, aujourd’hui comme hier, ne peut s’adapter à la logique de ce monde, car il est prophétie et libération, il est semence d’une humanité nouvelle qui croît, et, seulement à la fin des temps, trouvera sa pleine réalisation. » 4 La Parole de Dieu appelle à une rupture de vie, une transformation de notre quotidien à l’écoute de l’Esprit. Oui, nous sommes bien appelés à évangéliser, c’est-à-dire à partager l’Évangile de Dieu avec humilité et douceur mais de manière audible et intelligible. La foi s’annonce par nos actes et
nos paroles sans que nous puissions détacher l’un de l’autre. Il y a bien une corrélation entre notre vocation de disciple du Christ et l’envoi en mission. À tel point que le premier travail des nouveaux baptisés est d’annoncer sans peur la Bonne Nouvelle et de faire des disciples. Nous tous, dans la grâce du baptême, pour vivre en vérité notre foi, nous avons à l’annoncer de manière explicite. Si le fait de parler de prosélytisme est le prétexte pour ne pas évangéliser, c’est-à-dire partager explicitement la parole de Dieu, alors notre foi est morte. « Les premiers chrétiens ont considéré l’annonce missionnaire comme une nécessité dérivant de la nature même de la foi : » 5 Nous voici à l’écoute de cet appel vibrant à retrouver cette ardeur première de la foi pour enraciner notre engagement dans la prière en tant que prêtre, la vivre dans l’annonce en tant que prophète, et être libre de l’annoncer à tous en tant que roi, par l’autorité du Christ comme nous le confère le baptême.

La marche du carême nous rappelle les conversions à vivre aujourd’hui pour participer à l’avènement du Royaume. Et dans la croissance de la foi, il nous faut rappeler avec autorité l’importance du témoignage kérygmatique. Le kérygme annonce un Christ mort et ressuscité dont nous attendons le retour dans la gloire. Le témoignage kérygmatique doit être un signe lumineux de l’engagement de chacun dans la foi, et notamment des parrains et marraines lors du baptême. « L’élan missionnaire est un signe clair de la maturité d’une communauté ecclésiale. » 6 Nous ne pouvons pas être dans une forme de tourisme spirituel, ou, pire encore, dans un brigandage idéologique, prenant certaines parties de la Révélation et en refusant d’autres aspects. Or, la première mission de nos communautés est l’appel à la communion que nous pouvons vivre dans la fidélité au Seigneur, en retrouvant la grâce du pardon et la force de la réconciliation. Avant de parler de justice, soyons au service de l’amour et de la communion pour trouver
ensuite la juste relation dans les rapports fraternels. Cette réconciliation se vit dans un déploiement de la prière, et ce temps du désert comme lieu de croissance en présence du Seigneur, un lieu de fermentation pour mourir à soi-même et germer dans l’amour du Seigneur. Il se continue dans l’annonce de cette joie de croire au Christ notre Sauveur. Car c’est bien un espace de liberté que je trouve dans cette rencontre avec Dieu notre Père dans le souffle de l’Esprit, par la Parole de rupture et de transformation.

4 Discours du pape Benoit XVI aux œuvres pontificales missionnaires 11 mai 2012
5 &92 Verbum Domini, op. cit.
6 &95 Verbum Domini, op. cit.

Le chemin de sainteté consiste également à partager notre vocation baptismale dans l’annonce de la croix et de la résurrection. Il n’y a pas de place réservée, et nous avons tous à porter la mission dans le prolongement de notre foi. « L’Église, comme mystère de communion, est donc tout entière missionnaire et chacun, selon son état de vie, est appelé à donner une contribution décidée à l’annonce chrétienne. » 7 Notre marche vers Pâques est bien d’annoncer notre foi avec des mots, et pas seulement avec des gestes, mais aussi de la vivre en communion dans une solidarité vraie, et une bienveillance de chacun avec la grâce de l’Esprit Saint. L’annonce se vit à travers notre capacité de nous rassembler au
nom du Christ et de vivre des moments d’Église dans la gratuité de notre présence et la recherche de notre juste place devant Dieu. « La vie commune en société détermine souvent la qualité de la vie et, par conséquent, les conditions où chaque homme et chaque femme se comprennent et décident d’eux-mêmes et de leur vocation. » 8 L’appel du désert est de se retrouver dans son propre moi, à l’écoute de
la Parole pour accueillir le souffle de l’Esprit et répondre « Oui » à sa présence, afin qu’il nous soit fait selon la volonté de Dieu, dans ce bonheur de communion. « Heureux … ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! » 9

Père Gregoire BELLUT -Curé – Doyen