Un regard d’intériorité

« Jésus vit les cieux se déchirer »

Au début de son évangile, Marc nous fait le récit du baptême de Jésus par Jean-Baptiste (Marc 1, 10-11). Tandis que du ciel une voix se fait entendre :  « Tu es mon Fils bien aimé, il m’a plu de te choisir »,  Jésus  voit les cieux se déchirer et  voit l’Esprit descendre sur lui comme une colombe. Ce récit est comme un prologue à tout son évangile : St Marc nous présente dans cette introduction le regard de Jésus comme une relation avec le Père et l’Esprit Saint. Il nous invite à reconnaître la relation intime entre les personnes divines et nous introduit dans le regard qui circule entre le Père, le Fils et l’Esprit.

Cela nous fait repenser à la célèbre icône de Andrei Roublev : il a représenté l’apparition du Seigneur à Abraham sous l’aspect de trois hommes (Gen 18 1-15) ; les trois ont un visage identique pour souligner l’unité d’identité divine, mais chacun a une attitude particulière.

Les courbes convexes du premier désignent celui qui est la source, celui dont le Fils est engendré « Lumière, née de la Lumière » et dont l’Esprit procède de cette primauté de lumière dans l’amour qui les unit. Le second, à gauche, aux formes concaves, désigne le Fils; celui qui est l’accueil. Le troisième a le regard orienté vers les deux autres anges : « il procède du Père et du Fils ». Son attitude est tournée vers le bas, vers l’humanité. L’Esprit, union du Père et du Fils, est le symbole de la communication de Dieu au monde créé et aux hommes. Mais ce regard qui va de l’un à l’autre souligne qu’il y a une  communication qui exprime les liens d’amour qui circulent entre les trois parfaitement unis. Ce regard de Jésus au moment du baptême nous est présenté comme une ouverture vers Dieu pour reconnaître l’origine de Jésus : il nous révèle que par son humanité ce sont tous les hommes qui sont invités à entrer en communion avec l’amour divin.

Jésus proclamait dans le temple ; « vous savez d’où je suis ! Et pourtant, je ne suis pas venu de moi-même : Celui qui m’a envoyé est véridique, Lui que vous ne connaissez pas. Mais moi, je le connais parce que je viens de lui et qu’il m’a envoyé » (Jn 7, 27-29).

« C’est votre avantage que je m’en aille ; en effet, si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; si au contraire je pars, je vous l’enverrai » (Jn 16,7).

En regardant le ciel à son  baptême dans le Jourdain, Jésus par son humanité, nous introduit dans la vie intime de Dieu. Il prie  pour ses disciples, il prie pour nous. « J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu m’as donnés du milieu du monde. Ils étaient à toi, tu me les as donnés et ils ont observé ta parole (…) Ils ont véritablement connu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé. Je prie pour eux ; je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés : ils sont à toi et tout ce qui est à moi est à toi comme tout ce qui est à toi est à moi, et c’est ainsi que j’ai été glorifié en eux. » (Jn 17,6-10).  En accueillant celui qui manifeste le nom du Père , les disciples sont eux-mêmes dans une communion qui les fait vivre dans l’amour et dans l’unité. « Garde-les en ton nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous sommes un ». Ce regard de Jésus vers le Père nous introduit dans une vie nouvelle d’union à Dieu.

Le chemin qui nous introduit dans la connaissance de Dieu Trinité nous conduit à approfondir notre relation intime et personnelle avec le Père, le Fils et l’Esprit. Notre contemplation de Dieu nous amène à mieux saisir notre vocation. Nous sommes créés par Dieu à son image et à sa ressemblance : à l’image du Père source de vie, à l’image de son Fils révélé en Jésus-Christ qui est accueil de la volonté du Père, à la ressemblance de l’Esprit qui est communion d’amour et communication.

A l’image du Père, sommes-nous source de vie, don total de nous mêmes au service de la vie ? A l’image du Fils, sommes-nous tout accueil à la volonté du Père ? A l’image de l’Esprit, vivons-nous cette communion d’amour de Dieu qui nous fait reconnaître en tout homme une personne aimée de Dieu ?

P. Philippe BRADEL,  f.c.