« Spes non confundit » Une parole d’espérance

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En commençant la bulle d’induction pour l’ouverture de l’année jubilé 2025 par l’apostrophe de saint Paul « l’espérance ne déçoit pas »[1], le Pape, serviteur des serviteurs nous encourage à vivre « en pèlerins d’espérance »[2], orientés vers notre communion éternelle avec Dieu dans la vérité de l’amour en le voyant tel qu’il est. L’année sainte est une année de conversion et de changement pour accueillir la grâce de l’Esprit Saint et orienter notre vie vers une plus grande disponibilité à sa grâce. Le thème de l’espérance (après celui de la foi en 1975) nous indique une orientation sur notre Salut, comme un désir d’être en Dieu pour l’éternité. La rencontre personnelle avec Dieu dans la grâce de l’Esprit Saint fait de nous des témoins pour annoncer le Royaume comme le Christ. En paroisse, comment rendons-nous compte de cette grande espérance du Salut ? L’assomption de la Vierge Marie est pourtant le fruit d’une grâce particulière du Salut par anticipation, puisque nous dit le dogme elle est entrée corps et âme au paradis. Notre paroisse est donc orientée vers l’espérance. Il nous faut la vivre dans la confiance de la foi et le dynamisme de la charité.

 

Une parole d’espérance

L’annonce de l’espérance est une véritable joie du Salut offert à tous. Un de mes neveux m’a dit, « tu parles, au Ciel on ne fera que chanter les louanges de Dieu, déjà que la messe c’est parfois galère, … alors » Je lui ai rappelé que ce qui est premier c’est l’amour, et que voir Dieu nous fera aussitôt entrer dans la louange et l’action de grâce, avec une grande joie. Ce n’est pas tant de faire que d’être. L’éternité avec Dieu est la plénitude de l’être, l’unification de toute notre personne tournée vers Dieu, et contemplant sa face dans  l’hymne de louange à la suite des anges : « gloire à Dieu et paix aux hommes de bonne volonté » L’espérance est fondée sur la promesse d’un bonheur sans fin dans l’unification de tout notre être – corps âme et esprit – dans le prolongement du don sincère de nous-même pour œuvrer à la suite du Christ à la louange de sa gloire. Le principe d’évangélisation consiste à partager cette joie de Dieu autour de nous, sa présence active dans notre histoire et la joie de communier dans la relation à Dieu, à nous-même et à nos frères. Quel est le témoignage que nous voulons donner autour de nous durant cette année sainte ? Que disons-nous de notre vie en Dieu et de sa présence dans notre histoire ?

 

L’annonce du kérygme[3] de la foi dans cette année sainte,  nous enjoint à appeler à la conversion des cœurs et à la transformation de notre vie au rythme de Dieu et de la Bonne Nouvelle. Il faut nous tenir prêts, la lampe allumée, pour accueillir « Mon Seigneur et Mon Dieu », avec confiance et dans la joie des retrouvailles. L’amour se reçoit dans l’annonce, se vit dans la conversion de notre histoire, et se témoigne autour de nous comme une joie de la rencontre à partager avec audace. « L’espérance nait de l’amour et se fonde sur l’amour qui jaillit du Cœur de Jésus transpercé sur la croix »[4]. L’offrande du Christ est joie pour les cœurs et nous offre la vie en plénitude, pour ceux qui sont dociles au souffle de l’Esprit Saint. « C’est en effet l’Esprit Saint qui, par sa présence permanente sur le chemin de l’Eglise, irradie la lumière de l’espérance sur les croyants ; il la maintient allumée comme une torche qui ne s’éteint jamais pour donner soutien et vigueur à notre vie »[5]  Vivre en pèlerin d’espérance appelle à rappeler la valeur de toute vie, du commencement à la fin. Les changements à vivre est de refuser  fermement toute compromission et autre forme de relativisme qui essaye de justifier le massacre des innocents dans l’avortement, ou le crime organisé dans l’euthanasie. « L’espérance ne cède pas devant les difficultés, elle est fondée sur la foi et nourrie par la charité », et nous devons progresser dans la recherche de vérité de l’amour, pour accompagner chacun dans son histoire, et ensemble discerner comme construire la civilisation de l’amour en écho à la Bonne Nouvelle. La conversion, c’est-à-dire le changement de mentalité ne consiste pas à parler de conversion pastorale tout en restant dans une liberté individualiste et la volonté d’assujettir le désir de Dieu à nos propres capacités. Elle demande une conscience déployée dans la vertu de prudence afin de choisir avec sérénité d’être à l’écoute du souffle de l’Esprit et de vivre les déplacements nécessaire. Le pèlerinage en est une première démarche efficace. Quels sont les déplacements que j’accepte de vivre, les engagements pour recentrer ma vie sur le Christ ? Suis-je dans la volonté de marcher à la suite du Christ non seulement avec ma tête mais aussi avec mon corps et notamment mes pieds ?

 

La  vie est faite de joies et d’espoirs, de tristesses et d’angoisse, mais à proximité du Christ au pied de la croix et, à l’aurore, devant le tombeau vide, elle nous fait entrer par le souffle de l’Esprit Saint dans une nouvelle compréhension, porteuse du message du Salut à partager avec tous. « La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire. »[6] Dans l’amour nous devons partager la lumière de la vérité à travers « l’évangile de la vie »[7]. Tout joyeux les 72 disciples racontent à Jésus[8] l’expérience de l’annonce, et le Christ lui-même exulte de joie. « L’évangélisation contient … aussi la prédication de l’espérance dans les promesses faites par Dieu dans la nouvelle alliance en Jésus-Christ ; la prédication de l’amour de Dieu envers nous et de notre amour pour Dieu ; la prédication de l’amour fraternel pour tous les hommes — capacité de don et de pardon, de renoncement, d’aide aux frères — qui, dérivant de l’amour de Dieu, est le noyau de l’évangile ; la prédication du mystère du mal et de la recherche active du bien »[9]  Dans ce pèlerinage d’espérance, l’évangélisation se vit dans l’amour. L’amour de Dieu et l’amour du frère font un pour l’oblation de notre vie. Et l’espérance prolonge l’amour jusqu’au pardon. Le mystère du mal  nous faut reconnaitre que nous pouvons aussi, à la suite des prophètes, subir l’indifférence, le mépris, voir l’opposition, la dérision et la violence jusqu’à donner sa vie. Les tribulations, face à la lumière de la vérité, nous révèlent l’amour comme don sincère de nous-même, dans la gratuité de notre présence et de notre histoire pour servir Dieu. « On découvre comment l’évangélisation est soutenue par la force qui découle de la croix et de la résurrection du Christ »[10] Nous ne sommes pas parfaits, mais que cela ne nous empêche pas de proclamer la Bonne Nouvelle, non par nos vaines forces, mais par grâce de l’Esprit Saint chacun selon nos propres charismes. La vertu de patience concrétise la confiance que nous avons en la parole de Dieu, et la vertu de prudence nous permet de discerner avec sagesse ce qu’il nous faut vivre aujourd’hui dans une conscience éclairée par la foi.

 

Dans cette année jubilaire, marchons au rythme de Dieu en retrouvant une certaine forme de liberté dans nos rapports avec la société des écrans, des mass médias et de tout divertissement qui hypothèque notre temps au profit de la futilité. Retrouver le rythme du temps pour saisir le rythme de la personne humaine, de sa jeunesse à sa vieillesse comme celui de la création dans les saisons, participe à la collaboration de l’œuvre de Dieu dans la disponibilité du moment. Retrouver le cycle de la vie nous fait comprendre l’importance de la fécondité à chaque étape et de notre appel particulier au moment opportun. Dieu est à l’initiative, mais demande une disponibilité de notre part, pour que sa grâce puisse être pleinement déployée. C’est un appel à la maitrise de soi et à gérer ses frustrations pour aller à l’essentiel et dompter ainsi ses émotions pour ne pas entrer dans l’agressivité et la violence. « Apprenons donc à souvent demander la grâce de la patience qui est fille de l’espérance et en même temps la soutient »[11]. Peut-être pouvons-nous faire un point sur nos rythmes de vie, et prendre du recul par rapport à la course du temps ? D’autres actions peuvent être intéressantes, comme débrancher son téléphone pendant 24 h (le dimanche par exemple), ou ne se servir du téléphone que pour son usage premier, répondre aux appels et appeler si nécessaire. Peut-être pouvons-nous aussi arrêter la télévision durant une semaine, ou pour les plus accros, s’accorder au moins une journée sans écran ? Reprendre le rythme de la vraie vie nous enjoint de sortir, d’aller à la rencontre de l’autre, de nous promener, et d’être nous-même en profondeur.

 

Une parole d’espérance fait de nous des témoins de la liberté féconde en Dieu dans la recherche du meilleur bien. A l’écoute de la Parole et dans le dialogue de la prière, nous devons être attentifs au souffle de l’Esprit pour marcher sur les chemins du Seigneur. En pèlerins d’espérance, il nous faut témoigner à chaque instant du quotidien de la préférence du bien à la commodité «  sachant que c’est justement ainsi que nous vivons vraiment notre vie »[12] Que ce temps nous aide à retrouver l’essentiel, pour ouvrir nos horizons à l’amour de Dieu dans la réalité du prochain.

 

Père Gregoire BELLUT – Curé – Doyen

[1] Rm 5,5

[2] &1 Spes non confundit

[3] Kérygme, annonce du condensé de la foi, Jésus Christ est Dieu, il est mort et ressuscité, il reviendra dans la gloire (anamnèse à chaque messe) et nous devons nous convertir pour l’accueillir

[4] &3 Spes non confundit

[5] ibid

[6] &1 Gaudium et Spes – Vatican II

[7] &1 Evangelium Vitae – Jean Paul II

[8] Luc 10,17-24

[9] &28 Evangelii Nuntiandi – Paul VI

[10] &4 Spes non confundit

[11] ibid

[12] &39 Spe Salvi – Benoit XVI