« Or le Seigneur c’est l’Esprit, et là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté »

Le choix de l’amour comme fondement ontologique (suite)

(…) A contrario, la conversion se vit dans une communion d’amour capable de pardon et de réconciliation, c’est-à-dire de renouer le lien fraternel et d’avoir un regard de bienveillance en toute situation pour permettre à d’autres choix. L’amour nous ouvre les portes de la liberté pour grandir en présence du Seigneur et accueillir la réalité fraternelle comme une richesse et non comme une entrave. Savoir pardonner est le principe même d’une vie accueillie dans le lit du fleuve comme une réalité
dynamique d’événements, par des passages stagnants mais aussi des cascades, par des obstacles, et des ouvertures jusqu’à la mer. L’impossibilité d’un barrage de toute hauteur, pour empêcher l’eau de passer, prend à la gorge et devient en soi un mal. Une muraille de chine laissant la lèpre du péché se développer en dehors jusqu’à faire pourrir en dedans. La prudence quant aux possibilités de changement demande la vérité de la contrition, et la résolution du changement pour accompagner la personne dans une nouvelle dynamique, et des transformations qui portent en eux-mêmes une certaine croissance et la possibilité d’un fécondité de vie, et non d’une eau stagnante tel le marécage. Il aura bien fallut accueillir Saul devenu Paul, et lui donner une place dans la communauté. Le Fils ainé aurait dû avoir ce regard de bienveillance du frère et lui faire une place au lieu de tenir son cœur fermé à la grâce. Beaucoup de nos
choix sont à relire dans la temporalité avec toute la prudence du contexte pour ne pas être source d’enfermement (ni source de dévoiement comme nous l’avons signalé auparavant). Seul l’amour nous rend vraiment libre, c’est-à-dire capable de rechercher le meilleur bonheur dans le contexte d’une réalité quotidienne à découvrir chaque jour. Voici un exercice d’une liberté en devenir dans l’action de grâce de la rencontre fructifiante pour nous régénérer en présence du Seigneur et témoigner ainsi de notre foi.

Néanmoins la loi peut être aussi perçue comme un barrage d’énergie, pour laisser passer la grâce dans les turbines de la purification de tout notre être afin d’apporter l’énergie nécessaire à notre volonté pour exercer notre responsabilité propre de fils de Dieu, enfant d’un même Père. Pas d’eau stagnante mais un courant qui part à coup s’échappe pour laisser la force de la nature s’épanouir. Le souffle de l’Esprit Saint donne l’impulsion nécessaire à l’amour sans abroger la loi, mais former le sens premier dans le projet Créateur. La loi est sens de Dieu, l’amour l’expression dans la vérité de nos actes et la réalité du moment. Dans ce triptyque, la loi, l’amour et la vérité sont toujours présent dans notre histoire lorsque nous les actionnons avec justice et dans un discernement prudentiel ; pas de liberté sans prudence, et humilité,
chaque jour il nous faut mieux connaitre les réalités du moment sans substituer l’un des critères par rapport aux autres, mais y lire une forme de complémentarité dans une articulation de ce qui correspond au don de Dieu et au devoir de témoignage. Le choix de l’amour se vit dans le cadre de la loi et demande d’agir dans la vérité de tout notre être. Une cohérence d’être dans la communion de la relation est à percevoir comme un accroissement de la vie en Dieu par l’irradiation des grâces sanctifiantes. Si la
liberté est la recherche du bien, alors l’amour en est sa beauté et la vérité son expression. Or l’énergie à déployer dans ce choix de l’amour demande dans cette attraction atomique de la loi, l’amour et la vérité, la fission nécessaire pour irradier nos relations de la grâce. L’important n’est pas tant de dire la vérité jusqu’à parfois l’assener, mais de vivre la relation comme une rencontre ou nous sommes capable d’autres choix à travers la créativité de l’amour et de se rappeler que la loi est là pour nous aider à progresser dans l’énergie nécessaire pour le cœur de Dieu. Certes Dieu agit en premier, mais nous avons à contribuer à son œuvre par notre disponibilité à sa grâce, telle est notre liberté à éduquer chaque jour.

  1.  2 Co. 3,17

L’autorité comme liberté du service
L’autorité que nous exerçons dans les choix posés est d’abord une connaissance de Dieu par grâce, une volonté de le suivre jusqu’à la croix et la résurrection dans la vérité de notre être, et une obéissance à la loi comme témoignage de vie ; là est notre liberté, dans le choix de Dieu, et cette volonté de lui ressembler. Persévérer « dans la foi et la pratique du bien » 2 nous dit le saint Docteur, nous fait témoigner de cette vie en Dieu dans la juste place d’élus de Dieu, c’est-à-dire de ceux qui écoutent sa Parole et mettent en pratique. L’autorité par laquelle nous agissons, est reçue de Dieu, comme serviteur de la Parole de vie, et nous appelle dans la douceur à témoigner de notre foi dans l’expression des choix les plus ouverts sur la vie, la recherche du bien, et la beauté de l’engagement pour la vérité. C’est pourquoi l’énergie de la loi demande beaucoup de conversion nécessaire pour se laisser dépouiller et se laisser habiter par la grâce de l’Esprit Saint dans la disponibilité de tout notre être. « Toute âme qui même après avoir reçu la foi demeure dans sa dépravation ou y revient est appelée « maison irritante », parce qu’elle chasse loin d’elle par son inconduite celui qu’elle avait accueilli par la foi, Dieu, qui l’habitait » 3 Exercer notre autorité spirituelle dans notre vie c’est chasser tout ce qui conduit au mal, refuser d’abonder la tentation, et se souvenir que le Christ est venu pour nous sauver, c’est-à-dire nous
rendre libre. L’inconduite est un contre témoignage de notre vie prétendument ancrée en Dieu. La foi nous délivre de toute peur, pour nous ramener sur un chemin de repentance, et de changement pour mieux comprendre les choix que nous avons à poser. Une conversion à vivre chaque jour dans le combat spirituel et le refus d’écouter la voix de séduction qui entraine vers la superficialité et la facilité d’un
choix irresponsable, mais aux conséquences désastreuses. Le Diable nous détourne de la vie de Dieu, de la vie en Dieu. La tentation du cœur est toujours possible, mais la connaissance de Dieu, la méditation des Ecritures et la prière nous enracine à travers le jeûne et les veilles attentives aux signes de sa présence, comme guetteur de l’invisible. Avec les choix, il y a une part de renoncement, et d’engagement pour l’avenir du meilleur bien, mais aussi à la lumière du Christ un discernement à opérer à chaque instant pour mieux nous approcher de lui dans un cœur pur, et le contempler avec émerveillement et action de grâce.

2)   P 341, Homélie sur Ezechiel Livre I, Homélie IX, &8 St Grégoire le Grand
3)   P 343, Homélie sur Ezechiel Livre I, Homélie IX, &10 St Grégoire le Grand

Une fois que je trouve cette liberté jaillissante de grâce, alors tout est possible, mais tout n’est pas profitable. C’est dans un discernement prudentiel qu’il faut avancer avec précaution et la richesse de la prière et du conseil des frères pour faire le choix en Eglise de nous ajuster à la volonté de Dieu. La vérité de l’homme se vit dans la croix et la résurrection du Christ, comme un appel à la conversion, la purification et la transformation pour la joie nouvelle de la vie éternelle. Il y a bien une maturation
de changements à opérer du fond du cœur, ou l’amour vainc la haine en délaissant tout esprit de mensonge et en recherchant en toute chose la vérité pour le meilleur bien et la beauté du créé fait par Dieu. La loi est une invitation à la vie divine dans l’acceptation des transformations parfois crucifiante à faire pour connaitre la résurrection, c’est-à-dire la vie nouvelle en Christ. « L’amour du prochain, la beauté du monde, l’orientation vers un Bien absolu, se proposent – et s’imposent – à la liberté de tout homme, qu’il soit croyant ou incroyant » 4 Ce n’est donc plus une question de douane ou d’intransigeance, mais bien d’humanité et de dignité de l’homme dans un cadre qui fait grandir et produire du fruit. En s’imposant à la liberté de l’homme, la loi nous configure à la volonté divine, dans cet accueil d’une loi naturelle appelé raison de l’être dans le discernement de la réalité. Ce n’est pas tant
une question de foi qu’une question d’être, autrement dit de vocation humaine. D’ailleurs l’appel à la liberté est toujours orienté vers plus d’amour dans l’unification de tout notre être et la responsabilité de nos choix vécu en vérité, mais cet appel est aussi orienté vers plus de vie, c’est-à-dire d’une qualité de vie en Dieu pour l’éternité. Tout choix est à faire dans cette optique de la vie en abondance, et demande une
cohérence significative dans la vie de la cité. La fraternité n’efface pas l’égale dignité de la vie, et de toute vie, et la liberté en est l’expression le plus grande au service de tous, et le respect de chacun. La valeur de la vie humaine dans tous ses aspects ne peut s’orienter vers un choix partisan sans en porter les responsabilités collectives. L’autorité que nous exerçons a des conséquences sur l’ensemble et non seulement sur le particulier. Comme aime le dire le Pape François « Tout est lié ».

Père Gregoire BELLUT – Curé – Doyen