« Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous »
La joie de Pâques est l’accueil d’une fécondité spirituelle dans la vie de l’Esprit à l’écoute de la Parole, et dans l’accueil de l’amour du Père. Il y a bien un appel à une transformation intérieure profonde et radicale pour faire les bons choix, c’est-à-dire selon une conscience droite. Néanmoins le rayonnement de notre foi baptismale doit se témoigner au cœur même des engagements pour la cité. « Prendre au sérieux la politique à ses divers niveaux – local, régional et mondial, c’est affirmer le devoir de l’homme, de tout homme, de reconnaître la réalité concrète et la valeur de choix qui lui est offerte de chercher à réaliser ensemble : bien de la cité, de la nation, de l’humanité. » 1 L’engagement dans la foi est bien de participer à la vie de la cité, et non de rester dans nos sacristies : ouverts aux cris du monde, il s’agit et il importe de nous rendre disponibles, chacun selon son charisme propre. Disciples du Christ, nous avons à l’annoncer au service de la charité pour aider à promouvoir une écologie intégrale ; or celle-ci « requiert une ouverture à des catégories qui transcendent le langage des mathématiques ou de la biologie, et nous orientent vers l’essence de l’humain. » 2 La construction de la civilisation de l’amour se fonde bien sur la vie de prière et de sanctification personnelle, mais rayonne et doit rayonner dans le témoignage missionnaire de cette vie de l’Esprit qui nous habite et nous fait proclamer les merveilles de Dieu, dans toutes les langues et à toutes les nations.
La participation à la vie de la cité pour le service de l’homme est une exigence de la fraternité. La foi demande une participation active dans la relation fraternelle, et impose d’être soucieux du bien commun pour développer ensemble un rapport de justice dans une volonté de communion. « Sans une éducation renouvelée de la solidarité, une affirmation excessive de l’égalité peut donner lieu à un individualisme
où chacun revendique ses droits, sans se vouloir responsable du bien commun. » 3 Aujourd’hui, plus que jamais, l’individualisme est un fléau, notamment dans le temps passé sur son portable ou dans l’addiction des écrans, la course effrénée au temps de loisir, et aux sorties, en oubliant la nécessité de l’intériorité et du murissement pour une meilleure fécondité spirituelle : la volonté ou la tendance de s’affirmer dans la société par des positionnements sans nuance et parfois sans discernement entraine un
clivage et un rejet de l’autre, et ce sont là, précisément, autant de difficultés que le chrétien doit combattre avec pugnacité. La vie de la cité berce la vie de l’Église, et l’Esprit Saint continue d’agir pour nous réchauffer le cœur dans l’intelligence des Écritures.
1 &46 LA Octogesima adveniens – Paul VI 2 &10 Laudato Si’ – François 3 &23 LA Octogesima adveniens – Paul VI
Le baptême nous fait missionnaires : il faut, nous ne cessons de le dire, en prendre véritablement conscience, c’est-à dire, comprendre que ce qui nous a été offert, et que nous avons confirmé librement en recevant l’Esprit Saint. Cela nous engage, absolument, et avec tout nous-mêmes à vivre à la façon du Seigneur qui annonçait le Royaume, à communiquer, partager, témoigner, avec la disponibilité et la simplicité du service. L’élan de notre vocation baptismal dans cette annonce vibrant dans le monde de ce temps se vit activement et dans la ferveur qui nous vient de ce que nous savons être le Royaume, ce qui nous a été révélé par Dieu en Jésus-Christ et il nous faut surtout se mettre en route sur le chemin du témoignage pour annoncer le Christ Sauveur. L’appel à la promesse de la vie éternelle trouve toute sa vigueur au quotidien de la cité, comme redonnant sens à tout.
Cependant, l’annonce a pour corollaire l’exemplarité de vie, aidée par la proximité avec les Écritures, ce qui demande, on y revient, de déployer cette volonté de communion humaine, et tout d’abord, en commençant déjà, au plus tôt, à être artisan de paix. « Une écologie intégrale implique de consacrer un peu de temps à retrouver l’harmonie sereine avec la création, à réfléchir sur notre style de vie et sur nos idéaux, à contempler le Créateur, qui vit parmi nous et dans ce qui nous entoure, dont la présence « ne doit pas être fabriquée, mais découverte, dévoilée » 4 . » Consacrer du temps pour Dieu. Voilà le besoin et le devoir. Aujourd’hui, c’est l’enjeu majeur : être présent au présent ; consacrer du temps pour nos frères, notamment par la disponibilité de tout notre être, dans l’accueil des réalités quotidiennes, c’est là la marque de l’Esprit. La personne demande vraiment un lien relationnel avec d’autres personnes, ni avec une intelligence artificielle, ni par la médiation d’outils virtuels. La rencontre physique, le temps passé ensemble à parler sur le chemin d’Emmaüs du quotidien, se laisser rejoindre dans notre histoire par le Parole de feu, le Verbe de vie, c’est cela la vocation du chrétien, son devoir et sa joie. Toute rencontre vraiment fraternelle ouvre à la contemplation de Dieu, et à cette louange incessante pour Sa bonté et Sa fidélité dans notre histoire.
Nous comprenons bien que par le baptême et notre engagement à être missionnaires, rien de ce qui est dans la vie de la cité ne doit nous être indifférent comme le rappelle la lettre à Diognète ; « Ils habitent les cités grecques et les cités barbares suivant le destin de chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l’existence, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre » 5 Etre dans le monde, tout en vivant selon les commandements du Seigneur et dans la crainte de blesser son amour, afin de demeurer fidèle à sa Parole. La foi se vit dans nos engagements au cœur de la cité. C’est pourquoi le positionnement de notre foi est positionnement de notre voix. Les bulletins de vote sont une claire identité spirituelle et sociale, parfois en dehors de tout parti, sur des questions de dignité humaine et de défense de la vie. Il n’est pas possible de voter pour une idéologie qui va à l’encontre de la vie, que ce soit au début, comme à la fin, et tout au long de l’existence humaine. Il n’est pas possible de fédérer des nations dans une culture de mort. Il n’est pas possible de mettre sa conscience sous l’oreiller en attendant le jour du jugement
dernier. La découverte fraternelle et la volonté de communion demandent d’aimer en vérité, par nos actes, et par nos positions fermes dans la foi ; nous ne pouvons pas rejeter cela dans la sphère privée, dans une conscience aseptisée d’un moindre mal. La radicalité n’est pas l’intransigeance, mais au cœur de la vie des hommes rappeler l’importance de la lumière du Christ qui nous guide sur le chemin de la vraie vie, une vie de communion et de fraternité ou il fait bon d’être. Dire non, c’est voter peut-être
pour un autre parti dont je ne partage pas toujours les idées, mais qui, sur les questions de bioéthique, est clair ou, en tout cas, n’est pas dans un délire d’une éthique conséquentialiste, dénuée de tout rapport à la norme. S’engager par le bulletin de vote dans une conscience droite et l’intelligence des Ecritures se vérifie dans l’engagement, au cœur de la cité, autrement dit, prendre au sérieux, toute la beauté de l’engagement pour le bien commun. Le bien de l’Église se vit dans l’engagement de ses membres dans la cité, notamment auprès des plus démunis, les pauvres, les malades et tous ceux qui vivent une forme d’exclusion. Notre prière est l’occasion de laisser souffler le signe de Dieu et de nous rendre disponibles à la Parole de Vie. « Toute activité particulière doit se replacer dans cette société élargie et prend, par là
même, la dimension du bien commun » 6 La participation de tous les baptisés dans une solidarité active et qui se témoigne demande un juste rapport au monde, ainsi que la volonté réelle de travailler pour l’établissement de la civilisation de l’amour. La foi n’est pas étrangère à la vie de la cité ; au contraire, elle en est le levain, pour bâtir le nouveau monde de demain, où le Christ règne.
4 &225 Laudato Si’ – op cit. cf. Evangelii gaudium, 71. 5 Office de lecture du 1 er mai – Lettre à Diognète
Agir par amour demande d’être en vérité dans nos choix de vie. Certes, il peut y avoir un certain déséquilibre, des troubles, une difficulté de voir le vrai, d’agir conformément à la vérité, mais, sachons-le et répétons-le, nous sommes appelés à partager cette joie de la résurrection à la lumière de Pâques. Si nous sommes un peuple de vivants, témoignons-en par nos engagements dans tous nos rapports humains, et par la juste appréciation de l’œuvre de Dieu. « Nous parlons d’une attitude du cœur, qui vit tout avec une attention sereine, qui sait être pleinement présent à quelqu’un sans penser à ce qui vient après, qui se livre à tout moment comme un don divin qui doit être pleinement vécu. » 7 La vie en Dieu est communion fraternelle. Il nous faut l’expérimenter dans nos pratiques, dans nos actes, et par la volonté de vivre, ensemble, un monde meilleur. Chaque vie spirituelle est éveillée à cette dimension d’un monde plus juste et plus fraternel, et le chrétien y contribue d’autant plus qu’il approfondit sa foi, vit l’espérance, et se met au service de la charité. « En ce qu’il vous faut faire, ne prenez jamais pour modèle un homme, quelle que soit sa sainteté ; le démon vous mettrait sous les yeux ses faiblesses. Mais imitez le Christ qui est absolument parfait et absolument saint ; vous n’aurez jamais tort » 8
6 &24 LA Octogesima adveniens – Paul VI cf Gaudium et Spes, 74 7 &226 Laudato Si’ – François
Père Gregoire BELLUT – Curé – Doyen