« Demeurez en moi, comme moi en vous. »

Le temps de Pâques est celui du témoignage de vie, et du développement de la communion. Mais il est aussi le temps de la responsabilité baptismale, d’annoncer le Christ et d’enseigner la Parole, en formant notre conscience à reconnaitre les fruits de l’Esprit et à rechercher la droiture comme lieu de sanctification. L’élan missionnaire de notre baptême nous pousse à partager la joie de croire, et non d’entrer dans une forme de relativisme. Cet élan, c’est le partage du souffle de l’Esprit qui agit dans ma vie et qui se partage dans la joie. « À faire partie du Peuple de Dieu, tous les hommes sont appelés. C’est
pourquoi ce peuple, demeurant uni et unique, est destiné à se dilater aux dimensions de l’univers entier et à toute la suite des siècles pour que s’accomplisse ce que s’est proposé la volonté de Dieu créant à l’origine la nature humaine dans l’unité, et décidant de rassembler enfin dans l’unité ses fils dispersés » 1 . L’appel du concile à retrouver cette unité fondamentale de la fraternité nous pousse alors à proposer le choix de Dieu comme chemin de grâce, ou plus exactement comme appel à la sanctification par don de l’Esprit Saint dans notre libre coopération.

Demeurer dans le Christ nous demande de prendre conscience de notre participation au Peuple de Dieu, et, en tant que citoyens du Royaume, d’endosser nos responsabilités propres. Certes, il s’agit de commencer dans la sphère familiale pour appeler à un témoignage de vie de notre foi, mais, par la suite et également, avec la même ferveur, dans notre communauté de proximité, tout en rayonnant au plus large vers toutes les rencontres qui nous sont proposées ; elles sont peut-être un risque, il est vrai, et spécialement aujourd’hui, mais elles sont aussi une espérance et apporte une fécondité. L’amour, en effet, peut se retrouver devant un « non » , et ça fait mal ; mais Dieu propose toujours dans l’humilité de
Sa présence, – et c’est ainsi que nous ne devons pas perdre la grande espérance du salut – pour attendre que nous soyons enfin disponibles à Le recevoir vraiment. L’esprit de l’Évangile est de nous rendre disponibles à la présence de Dieu en toute occasion comme nous le rappelle le concile : « Les laïcs doivent les employer [les occasions] de telle sorte que, remplissant parfaitement les obligations du monde dans les conditions ordinaires de l’existence, ils ne séparent pas l’union du Christ et leur vie, mais grandissent dans cette union en accomplissant leurs travaux selon la volonté de Dieu. De cette manière les laïcs progresseront en sainteté avec ardeur et joie, s’efforçant de surmonter les difficultés inévitables avec prudence et patience » 2 En effet, garder la vie de Dieu en nous demande de la prudence face aux événements pour fuir les situations de péché, ou ce qui pourrait nous entraîner au péché, ainsi que de patience face aux difficultés de transformation que nous pouvons lire dans l’éducation, et trouver les moyens éducatifs les meilleurs pour aider au changement. Mais faire la volonté de Dieu demande d’opérer une prise de conscience pour mieux nous laisser enseigner par la Parole et entendre, au souffle de l’Esprit, les biens dans lesquels nous devons progresser. Rechercher les biens spirituels est une nécessité dans l’annonce de l’Évangile, mais le partage de la parole de Vie demande aussi d’œuvrer à la recherche de sanctification à l’ombre du Tout-Puissant.

1 &13 Lumen Gentium Vatican II et cf. Jn. 11, 52

Ce projet d’imiter le Christ 3 * et de le garder dans notre cœur nous demande de nous laisser pétrir par la Parole et de la faire nôtre dans la disponibilité de notre vie selon le dessein de Dieu, comme un chemin de vérité dans l’amour pour signifier par nos actes notre présence à Celui qui nous a aimés le premier.
« Pour un chrétien, il n’est pas possible de penser à sa propre mission sur terre sans la concevoir comme un chemin de sainteté, car « voici quelle est la volonté de Dieu : c’est votre sanctification » 4 . Chaque saint est une mission ; il est un projet du Père pour refléter et incarner, à un moment déterminé de l’histoire, un aspect de l’Évangile. » 5 Dans une vie tournée vers Dieu, nous puiserons l’élan missionnaire donné par l’Esprit Saint pour répondre au souffle de vie dans la continuité du courant de grâce, en participant à la joie de Dieu dans l’obéissance à Sa divine volonté. La sainteté est un appel pour chacun d’entre nous et n’est pas à confondre avec la perfection, mais doit s’harmoniser avec la recherche de communion avec Dieu et avec nos frères. Nous vivrons pleinement notre vocation baptismale, et demeurerons en Dieu, lorsque nous laisserons l’Évangile éclairer tous les aspects de notre histoire pour orienter nos choix dans un discernement prudentiel afin de suivre le Christ et nous rendre toujours
disponibles à l’action de l’Esprit Saint. Demeurer dans le Christ, c’est non seulement prendre en compte notre baptême mais vivre cet élan missionnaire dans l’obéissance de la foi, et en voulant y répondre devant nos frères par un témoignage plein d’ardeur et de zèle, pour l’annonce du Règne de Dieu.

Cette joie de la lumière du Christ dans notre vie est une rencontre personnelle, avec une implication communautaire qui lui est liée, comme nous l’avons dit souvent, et parce qu’il est impossible de l’oublier. Il n’est pas possible, en effet, de se satisfaire d’une prière personnelle sans vivre la dimension communautaire, comme il n’est pas possible de prier Dieu en direct, c’est à dire en refusant toute médiation humaine Car dans ces cas-là, il y a bien une amputation de la relation dans la vérité de la rencontre, et un défaut d’élan missionnaire qui ne cherche pas à partager sa foi personnelle. Or, le Christ, en nous invitant à demeurer en Lui, nous entraîne à sa suite sur les routes pour annoncer le Royaume de Dieu, et construire par notre baptême, ensemble, la civilisation de l’amour. L’évangélisation est donc une priorité baptismale à mettre en œuvre avec ferveur pour conquérir les cœurs et amener à mieux connaitre le Seigneur : l’annonce du Christ, en effet, nous a fait et nous fait chaque jour progresser dans la foi, de même qu’il nous affermit dans la communion avec Dieu. Élargissons donc l’espace de notre tente pour aller à la rencontre des diverses communautés et, en tout milieu, révéler l’amour de Dieu comme ce qui fait sens dans notre vie. C’est ainsi que nous éprouvons notre foi, ainsi que nous suivons le Christ, ainsi, et seulement, que nous honorons la vocation de notre baptême.]

2 &4 Apostolicam actuositatem – Vatican II
3 Imitation de JC est un livre spirituel très connu du XIVème siècle, dont l’attribution à un auteur est
problématique
4 1 Th 4, 3
5 &19 Gaudete et exsultate – François

Pour conclure, le principe premier de notre foi au Christ se vit à travers la mission : « L’Evangile doit être proclamé d’abord par un témoignage. Voici un chrétien ou un groupe de chrétiens qui, au sein de la communauté humaine dans laquelle ils vivent, manifestent leur capacité de compréhension et d’accueil, leur communion de vie et de destin avec les autres, leur solidarité dans les efforts de tous pour tout ce qui est noble et bon. Voici que, en outre, ils rayonnent, d’une façon toute simple et spontanée, leur foi en des valeurs qui sont au-delà des valeurs courantes, et leur espérance en quelque chose qu’on ne voit pas, dont on n’oserait pas rêver. Par ce témoignage sans paroles, ces chrétiens font monter, dans le cœur de ceux qui les voient vivre, des questions irrésistibles : Pourquoi sont-ils ainsi ? Pourquoi vivent-ils de la sorte ? Qu’est-ce — ou qui est-ce — qui les inspire ? Pourquoi sont-ils au milieu de nous ? » 6 Le questionnement de notre style de vie, mais aussi de nos propres hiérarchies des valeurs subordonnées à l’Évangile, font de nous des témoins crédibles et audibles. Être catholique c’est- à-dire, « universel », au sens plein, dans sa vocation comme dans sa qualité, demande alors de participer véritablement à cet élan missionnaire, mais aussi de le promouvoir par le style de vie qui est le nôtre, et l’investissement dans les projets communautaires. « L’annonce, en effet, n’acquiert toute sa dimension que lorsqu’elle est entendue, accueillie, assimilée et lorsqu’elle fait surgir dans celui qui l’a ainsi reçue une adhésion du cœur » 7 .

6 &21 Evangelii Nuntiandi – Paul VI
7 &23 Evangelii Nuntiandi – Paul VI

Père Gregoire BELLUT -Curé – Doyen