« L’homme et sa femme allèrent se cacher aux regards du Seigneur »

(1ere partie)

Une liberté vécue dans l’orgueil entraîne la lèpre du péché, et comme signe la violence de la séparation. Ainsi nous est donc partagée l’expérience du péché originel. Adam et Eve n’ont pas eu confiance en la Parole de vie, ils ont désobéi à la relation de communion et ont voulu être comme des dieux, indépendants et centrés sur leurs propres regards. Et dans la réalité de leur vulnérabilité, ils s’effraient de leur faiblesse face à leur Créateur ! La violence est bien l’expression d’une réalité non préparée, écrasée par le poids de leurs vulnérabilités, qui dans le péché s’avère être une grave faiblesse.. Alors que la foi est confiance en l’œuvre de Dieu et accueil de son amour, le péché est défiance envers Dieu et clivage de l’œuvre de la création pour s’en aliéner une partie. Cela nous rend sourds face au besoin de ce monde, et de la fraternité. Cet égoïsme qui nous ferme au don, est source d’indifférence au frère, de haine pour ceux que nous rencontrons, dans la peur d’une autre appropriation, et engendre finalement la violence dans l’injustice des rapports, une forme de silence de mort face au cri de la vie.

Or toute liberté demande d’être vécue dans le dialogue, et l’ouverture à des choix féconds, principe même d’un dialogue de communion avec soi dans la volonté, avec l’autre dans la connaissance, et toujours ancré dans la mémoire de ce qui est profitable. Dans toutes nos discussions, et notamment
dans les défis sociétaux d’une recherche de bien commun pour la cité, il nous faut retrouver la source de notre vocation d’image de Dieu et nous rappeler la fraternité comme source d’altérité pour la communion dans un juste partage, à travers l’acceptation d’accueillir la vie comme don de Dieu
pour la vie éternelle avec Lui. Le refus d’une liberté vers un meilleur bien entraîne la violence et contamine nos rapports dans un jugement sur l’autre, et amène inéluctablement à un manque de communication, plaie de presque tous les conflits.

La première violence est un refus d’intériorité, c’est-à-dire de présence à Dieu dans ce qui fait sens. Cela entraîne un refus de rencontre. Ils entendent la voix du Seigneur qui se promène dans le jardin, et la première chose qu’ils font, c’est de se cacher. Ils refusent cette intimité avec Dieu au nom de leur propre vulnérabilité, et d’une connaissance non ajustée. Ils s’en vont laissant un dialogue inachevé, et ce refus d’une Parole d’inter-dit qui permet l’harmonie. C’est le repli sur soi dans ce qui se révèle un vide
intérieur, une fuite vers l’ailleurs parfois appelée le néant. Une vie de prière oubliée pour des choses utiles, et une lecture superficielle de la Parole de Dieu pour ne pas s’impliquer. Un refus de charité pour ne pas se laisser instrumentaliser par les situations, et manquer même de la plus simple expression humaine de solidarité première. Pourtant, reconnaitre l’amour et en vivre pour le partager dans la gratuité du don est un chemin de sanctification. « L’amour gratuit de Dieu pour l’humanité se révèle, avant tout, comme amour jailli du Père, dont tout provient ; comme communication gratuite que le Fils fait de lui, en se redonnant au Père et en se donnant aux hommes ; comme fécondité toujours nouvelle de l’amour divin que l’Esprit Saint répand dans le cœur des hommes 2 . » 3 L’accueil confiant de la Parole dans notre vie est cette rencontre avec le dynamisme de l’amour Trinitaire dans chaque rayonnement de mon existence pour vivre pleinement mes talents suivant ma vocation spécifique d’image de Dieu. À la violence de l’indépendance, il nous faut retrouver cette autonomie d’image de Dieu appelée à lui ressembler dans l’obéissance de la foi, d’une part, et dans cette volonté première de le mettre à la première place, d’autre part.

La deuxième violence est un refus de s’ouvrir au monde. Une opposition à entrer en dialogue avec l’extérieur qui paraît si menaçant tant nous sommes fragiles, et entrainant des comportements inadaptés. D’ailleurs, plusieurs propositions contemporaines d’évolution des rapports humains entrent dans ces dysfonctionnements relationnels. Souvent, il s’agit du refus de conversion et, parallèlement, d’un renfermement sur une posture idéologique: avoir raison sans autres possibilités d’expression. Alors
l’homme en oublie la raison de la relation et se déroule une partie de cache- cache où la vérité ne remplit pas son rôle d’ajustement à Dieu, à soi et au prochain. La brisure intérieure devient l’incapacité de s’ouvrir à l’extérieur : une rupture sans autre explication qu’un refus d’accueillir l’autre dans son
histoire et la pluralité de sa personnalité. Une forme de clivage que tout oppose, sans possibilité de rapprochement, mais également ce bruit du silence incessant, du vide de l’existence et finalement de l’entraînement vers la désespérance car : ‘je me sens seul dans ce monde’. La solitude venant du
péché brise tout dynamisme d’être, elle est différente de la solitude des origines (avant le péché) qui est ce manque de Dieu et recherche de complémentarité dans l’espérance. Pourtant « La transformation intérieure de la personne humaine, dans sa conformation progressive au Christ, est le présupposé essentiel d’un réel renouveau de ses relations avec les autres personnes : … Il faut alors faire appel aux capacités spirituelles et morales de la personne et à l’exigence permanente de sa conversion intérieure, afin d’obtenir des changements sociaux qui soient réellement à son service. » 4 Retrouver cette ouverture au monde est le fruit d’une conversion intérieure qui nous permet de retrouver le renouvellement des relations avec les frères, ainsi que d’un accomplissement de l’alliance promise par Dieu pour le genre humain. Il nous faut toujours travailler à regarder l’œuvre de Dieu avec bienveillance, et dans notre rapport avec nos frères avec bienfaisance, pour ainsi travailler en ouvrier de paix dans la transformation qu’opère la Parole en nous. (…à suivre)

Père Gregoire BELLUT -Curé – Doyen