L’incarnation une liberté de l’amour

L’avènement du Christ est la fidélité de la Parole de Dieu dans la promesse prophétique de l’amour qui se réalise. Le temps de l’attente est bien celui de la préparation des cœurs à la joie de la rencontre. Dans un regard de bienveillance (et je sais que je répète souvent cette expression de ‘regard bienveillant’, mais ô combien nous 0en manquons !), il nous faut vivre cette réconciliation de la nature de l’homme avec Dieu par le Fils Unique qui vient nous sauver. Car à Noël, nous fêtons déjà par anticipation l’annonce du Salut et la joie du Royaume dans une liberté retrouvée ici et maintenant.

L’incarnation du Christ est une liberté de l’amour de Dieu, un prolongement de l’alliance dans la fidélité à la promesse du Salut, par un choix ouvert d’aller jusqu’au bout pour permettre à l’homme de retrouver cette communion originelle avec le Créateur. L’attente du temps liturgique de l’Avent est l’occasion pour nous de retrouver le souffle premier du don, afin de préparer nos cœurs à accueillir le Messie. Tout notre être, corps et âme, est appelé au Salut par l’Incarnation du Christ, et la Rédemption en découle, dans l’accueil d’une Parole de salut. Noël prépare Pâques, et nous enjoint à suivre le Christ tout au long de son humanité dans l’exemplarité de sa vie. Imiter le Christ, c’est le suivre en donnant tout dans la réalité de notre quotidien, et dans la compréhension de l’amour dans notre histoire. « Par l’Incarnation, Dieu a donné à la vie humaine la dimension qu’Il voulait donner à l’homme dès son premier instant, et Il l’a donnée d’une manière définitive, de la façon dont Lui seul est capable, selon Son amour éternel et Sa miséricorde, avec toute la liberté divine » 1 L’amour de Dieu se révèle pleinement en chacun de nous, et se poursuit tout au long de notre existence, par nos propres disponibilités à l’entendre parler dans notre cœur : une liberté intérieure de se laisser mener par Dieu, et d’accueillir sa volonté comme le fruit de la grâce. Lui seul est capable de nous faire aimer davantage, et de nous rendre cette cohérence intérieure d’image de Dieu appelée à la communion avec Lui. Toute notre histoire est d’abord un cri d’amour de Dieu auquel l’homme est censé répondre par la disponibilité de sa présence, et la libre acceptation d’être tout à Lui. L’Incarnation est là pour nous rappeler cette volonté de Dieu de tout faire pour que nous puissions goûter de son amour et vivre avec lui dans la gratuité de l’amour qui est oblation.

1 &1 Redemptor Hominis – Jean Paul II

Notre corps participe à cette manifestation de la joie de Dieu, et la préparation chaque année de la venue du Christ nous rappelle avec insistance l’impérieuse nécessité d’être tournés vers lui, dans tous les actes de notre vie. Certes, certains actes ont une portée peu engageante, mais d’autres sont des réalités radicales et orientent alors la décision dans une autre dimension. Ramasser un paquet vide sur la route est un petit geste civique, mais ce même geste sur une voie rapide peut permettre de sauver des vies en évitant de graves accidents : de petits gestes qui semblent anodins et peuvent parfois radicalement changer les choses. Beaucoup d’histoires sont de cet ordre-là : une phrase d’encouragement qui a empêché un passage à l’acte suicidaire, un regard bienveillant et une main aidante pour traverser la vie avec bienveillance et grandir dans une maturité humaine. Être là pour l’autre, dans cette fraternité sans cesse à renouveler, nous recentre vers cette venue salvatrice du Christ ; Il est là pour toute l’humanité, celle d’hier, celle d’aujourd’hui, celle de demain. La promesse de Dieu dans l’alliance avec l’homme se fait don par le Fils et se poursuit aujourd’hui dans la vie de l’Esprit Saint. « La réalité du don et de l’acte de donner esquissés dans les premiers chapitres de la Genèse comme contenu constitutif du mystère de la création confirme que le rayonnement de l’amour est partie intégrante de ce même mystère. Seul l’Amour crée le bien et lui seul peut, en définitive, être perçu dans toutes ses dimensions et sous tous ses
contours dans les choses créées et surtout dans l’homme » 2 Or, rien n’est superflu dans le don, et le corps, partie intégrante de notre humanité, est voué à rendre gloire à Dieu. La liberté à retrouver, c’est bien cette cohérence de toute notre existence dans la réalité de ce monde ; celle qui est portée par les réalités du monde à venir, lui qui pousse nos désirs à la communion et fait le tri avec l’immédiateté, forme d’hébétude du superflu, pour retrouver ce qui fait sens. Nous n’avons pas à nier notre corps, ou à le mépriser dans ses réalités. Au contraire, l’incarnation du Christ nous rappelle qu’il nous faut être vigilants à ce qui sort de notre bouche, et à toujours avoir une parole de louange et de réconfort pour manifester la présence du Seigneur.

Nous ne pouvons pas comprendre la liberté sans cette contingence de l’âme et du corps, et de l’intégrité humaine dans toutes ses composantes. L’incarnation du Christ nous rappelle que l’homme a été non seulement créé à l’image de Dieu, mais par le Fils est Dieu. La dimension sacrée du corps a toute sa force dans l’appel à la sainteté de tout notre être. Corps et âme, nous sommes invités à suivre le Christ, et à retrouver ce désir premier d’être tout en Dieu, et fuir tout ce qui nous en éloigne. Nous devons être vigilants par un discernement prudentiel, en effet il nous faut témoigner de cette joie de Dieu dans la réalité de notre quotidien, et conformer notre vie à sa volonté. « En effet, le Seigneur Jésus, précisément dans le mystère de l’Incarnation, naissant d’une femme comme homme parfait 3 , s’est mis en relation directe non seulement avec les attentes présentes dans l’Ancien Testament, mais aussi avec celles que nourrissent tous les peuples. De cette façon, il a montré que Dieu entend nous rejoindre dans notre contexte de vie. » 4 Vivre notre baptême, c’est suivre le Christ, et découvrir les signes de sa présence dans notre histoire : un chemin de conversion pour marcher en vérité selon sa Parole et proclamer notre foi par nos œuvres, tout en prolongeant ce dialogue d’amour dans la prière et la méditation des Écritures. La liberté dans nos actes est alors de faire grandir le Christ en nous, et en témoigner autour de nous ; c’est là le meilleur développement de toute dignité humaine dans sa vocation propre de fils de lumière, et le respect profond de la vie donné par Dieu et reçu comme une merveilleuse oblation pour
l’éternité.

&TDC 15-5 Jean Paul II

Père Gregoire BELLUT -Curé – Doyen