Celui qui a dit l’indicible : le silence de Dieu

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VENDREDI SAINT – 10 avril 2020 – LA PASSION DU SEIGNEUR (Jean 18,1 – 19,42)

« Ils voient ce qui ne leur avait pas été raconté, et ils observent ce qu’ils n’avaient pas entendu dire. » (Isaïe 52,15 – TOB)

Comment voir l’invisible ? Entendre l’indicible ? Aujourd’hui, les yeux peuvent en rester aux apparences des choses ; les mots peuvent se noyer ou manquer. Il nous faut seulement le silence, le silence pour voir l’invisible et entendre l’indicible ; pour percevoir au fond de soi une lumière, un murmure, un amour qui se donne. Il nous faut accepter ce silence et y entrer.

Ne nous y trompons pas, dans tout ce vacarme de la fête de la Pâque toute proche, dans les cris de tous ceux qui défendent leurs intérêts, dans le flot ininterrompu de paroles des médias, le silence peut être vide comme un désert ou au contraire habité, quand il n’y a plus assez de mots pour exprimer tout ce que l’on veut partager.                                                                             

Il y a le silence de l’absence et de la peur. Celui des disciples qui se sont enfuis en le laissant seul. Celui de Pierre qui ne répond pas et tire un trait sur ce qu’il y a peu de temps encore le faisait vivre. Le silence de nos renoncements, qui résonne comme un abandon.

Il y a le silence de l’écoute et de la présence. Celui de Marie et du disciple que Jésus aimait. Un silence où l’on tient encore la main, pour accompagner jusqu’au bout, comme pour, à travers ce dernier lien, faire passer tout l’amour qui n’a plus besoin de mots pour se dire. C’est là que l’Église est née : « Voici ton fils. », « Voici ta mère ».

Et puis, par-dessus tout, il y a le silence de Jésus,  le silence du 7ème jour, quand « Tout est accompli ».  On peut s’accrocher à ses dernières paroles, comme pour tenter, une dernière fois, de le retenir. Je crois qu’il faut surtout écouter son silence, dans le Prétoire, dans la cour où il est flagellé et giflé, au long des ruelles de la ville où il s’avance et tombe, au Golgotha où il est déshabillé et crucifié. Pas un mot. Le silence de Dieu. Sur cette colline, à l’image de ce qu’entendit Élie sur le mont Horeb, il ne faut pas attendre le tonnerre ou les cris : seulement le silence. Le silence de celui qui nous dit ainsi l’indicible, car « ce ne sont pas les clous qui retiennent Jésus sur la croix, mais l’amour. » (Catherine de Sienne).

Jacques Béchet, diacre